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Amicale des Amateurs de Nids à Poussière

Amicale des Amateurs de Nids à Poussière

Le Blog de l'Amicale Des Amateurs de Nids À Poussière (A.D.A.N.A.P.) est un lieu de perdition dans lequel nous présentons revues, vieux papiers, journaux, ouvrages anciens ou récents, qui s'empilent un peu partout, avec un seul objectif : PARTAGER !

Un dossier sur Gus Bofa, dans la série Les Maîtres du dessin chez eux, fut publié dans La Rampe n°564 du 1er juillet 1932.

Il est composé de deux parties, avec texte et photos de Gaston Paris.

 

"Gus Bofa chez lui"

 

Pleine page regroupant 8 photographies :

1. Gus Bofa.

2. Gus Bofa et le bébé Salé.

3. Pour cueillir les pivoines qu'il aime.

4. C'est moi, cette gueule de noyé, au regard aveugle.

5. Des mains extraordinaires.

6. Bébé salé, fils de Pierre Mac Orlan, et ami intime de Gus.

7. Les petits bibelots du grand homme, Don Quichotte chargeant le Diplodocus (chapitre posthume au récit de Cervantes)

8. Des palmiers... en réduction, travail de bagnards...

 

"Tentative de liaison avec... Gus Bofa"

Première impression.

Gus Bofa est un homme redoutable.

Redoutable comme ses dessins. Ceux qu'il déconcerte diront : « Il est féroce ». Nous qui l'aimons nous disons plus simplement : » Il est très fort ! »...

Qu'importent ses réparties acides et le ton volontaire de ses réflexions ; il vous force à vrai dire à croire à la vérité des mensonges qu'il aime. Lorsqu'on a admis la direction et qu'on circule librement dans les canaux fermés du paradoxe on va loin... jusqu'à la première écluse pour le moins.

Mais ce loin est encore trop proche. Alors, sens unique ou sens interdit ? Il faut choisir.

Lui a choisi, et certainement mieux que nous. Aussi dira-t-il de très haut, car il a la tête de plus que le commun (au propre comme au figuré) :

« Je n'aime pas Voltaire, c'est mon droit, même si je l'illustre.

« La couleur n'existe pas, cela je vous le prouverai quand vous voudrez.

« Il n'y a pas de vérité, le mensonge est tellement plus simple et plus commode.

« La photo (très bien) m'a appris qu'il fallait la connaître pour l'éviter.

« Je dessine avec joie, mais je n'aime pas travailler ; simplement le plaisir physique de faire avec un crayon tendre des traits noirs sur un papier blanc.

« Etc... etc.., » (Les etc.. de Gus Bofa valent mieux que les développements de beaucoup d'autres.)

Là-dessus :

Comment voyez-vous don Quichotte :

Moi. — Mais... c'est un très grand bonhomme, haut comme ça, sec, aride et ardent, qui à force de brûler intérieurement, s'est complètement desséché au physique...

Bofa. — Pas du tout. Je vois, moi, une sorte de nabot rageur et illuminé que représenterait assez bien à mes yeux un ancien capitaine d'habillement en retraite... mais si... J'ajoute qu'il aurait une cuirasse de carton.

— Mais tout de même... Cervantès... la légende...

— Ah ! je vous en prie. Il ne faut pas illustrer ce que tout le monde voit d'un texte... mais son prolongement.

Son prolongement ! Bofa vous avez raison. Tout le monde connaît ses dessins : tout le monde ne les aime pas. Tant mieux. A l'abri des déformations volontaires il laisse battre pour quelques-uns le petit cœur mécanique de ses personnages. Vous mon ami et vous mon frère qui vous croyez si heureux, l'êtes-vous toujours autant maintenant que Gus Bofa vous a tendu le miroir déformant de son dessin ?

Cette banlieue que d'un pas léger vous parcourez les dimanches, la reconnaissez-vous dans ces planches de Malaises où elle prend le caractère inhumain d'un décor de rêve, dans ces dessins où pèsent l'inquiétude et le cafard des paysages cependant familiers : guinguettes de carton, rues obliques, départs manques, partouzes sans joie, orgies sur commande ? Et les foules, les foules où vous découvrez pour la première fois tant de visages étrangers, ce que nous sommes en vérité, nous qui n'avons pas le loisir de nous observer.

Maintenant saluez au passage ce goût pour le singulier qui va du curé au militaire en passant par les abattoirs — c'est du Mirbeau cela. Au reste, ses Synthèses Littéraires nous ont appris qu'il pouvait tout illustrer, puisqu'il savait tout comprendre. Ce qui se remarque moins, c'est que tous ses sujets magnifiquement « dégueulasses » sont architecturés avec une rigueur mathématique et sont, vertu plus rare encore, profondément réfléchis.

Ses éditeurs qui sont des petits astucieux lui ont tendu vingt pièges qu'il a joliment évités, il a ainsi tour à tour illustré au sens complet du mot, Mac Orlan qui est son frère d'élection et duquel il tient le « Bébé Salé » ; Jonatan Swifth [sic]. Courteline, Henri Béraud, Cervantès et lui-même...

Demain on peut lui envoyer Voltaire au travers des jambes — que dis-je. c'est déjà fait — il en fera ce qu'il voudra et avec un humour secret tout cela sera revu, corrigé et rendu à l'état pur.

Tout lui est sujet ou prétexte. Je suis à peu près certain que me voyant aux prises avec mon appareil photo (que j'ai cependant payé pour m'obéir), Gus Bofa dresse déjà un dessin dans son imagination, quelque chose dans ce genre-là :

« Le monsieur en proie aux objets méchants » ou « Les plaisirs de la photo ».

J'aurai, je le sais, des poches sous les yeux, les jambes en manches de veste et les coudes à retour de flamme, mais ce sera moi tout de même. L'appareil aura un ironique sourire sous le regard mal assorti de ses objectifs, et le pied résistera tant que les tubes en seront mous comme guimauve. Le monsieur (moi) suera sang et eau pour obtenir malgré tout un angle aigu ou un cadrage inédit et lorsque épongeant un front moite il demandera « Êtes-vous prêt ? », il retiendra l'appareil de peur qu'il ne s'échappe au dernier moment.

Là, cette fois ça y est, l'image est prisonnière, vous pouvez sourire Gus Bofa, j'ai fixé maintenant sur pellicule votre miraculeux visage tel que je l'ai rêvé, cheveux annelés et regard direct, lèvres longues et dessinées et votre teint couleur d'aventure. Ah ! ouais ! voyez plutôt le résultat : cette gueule de noyé au front strié, avec ce regard aveugle et cette bouche close au cadenas (ici c'est Gus Bofa qui juge).

— C'est un contre-jour dis-je doucement comme pour m'excuser...

— C'est un contresens plutôt, semble penser Gus Bofa.

Les choses en sont là.

Deuxième impression

Parti pour sa quotidienne promenade avec un bol de vitriol, il le posera pour cueillir une pivoine.

Alors que voulez-vous que j'ajoute à cela ! Tout ce qui précède et qui pourrait suivre ne servirait qu'à prouver davantage une chose :

Par la grâce d'un art sans comparaison, à la fois féroce et pitoyable, Gus Bofa demeure le dieu ironique et grave du dessin contemporain.

Et qu'il me pardonne si je me suis trompé.

Gaston PARIS.

A lire aussi :

Le site officiel de Gus Bofa

Gus Bofa, l’enchanteur désenchanté (Emmanuel Pollaud-Dulian – Éditions Cornélius), vu par Li-An

G. de Pawlowski - L'Artilleur du métro (1917), illustré par Gus Bofa

Gaston Paris - Les Maîtres du dessin chez eux : Gus Bofa in La Rampe n°564 du 1er juillet 1932.

Gaston Paris - Les Maîtres du dessin chez eux : Gus Bofa in La Rampe n°564 du 1er juillet 1932.

Gaston Paris - Les Maîtres du dessin chez eux : Gus Bofa in La Rampe n°564 du 1er juillet 1932.

Gaston Paris - Les Maîtres du dessin chez eux : Gus Bofa in La Rampe n°564 du 1er juillet 1932.

Gaston Paris - Les Maîtres du dessin chez eux : Gus Bofa in La Rampe n°564 du 1er juillet 1932.

Gaston Paris - Les Maîtres du dessin chez eux : Gus Bofa in La Rampe n°564 du 1er juillet 1932.

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