"Presse enfantine" fut publié en décembre 1936, dans Commune n°40, la revue littéraire française pour la défense de la Culture. Il est signé Georges Sadoul, qui tenait la rubrique "Revues française".
Le Comité directeur de cette revue était composé de Romain Rolland, André Gide et Paul Vaillant-Couturier. Le secrétaire de Rédaction était Aragon. Excusez du peu...
Georges Sadoul (1904 - 1967)
Il semble utile de préciser, pour une bonne lecture de "Presse enfantine", que Georges Sadoul était le directeur du journal pour enfants Mon Camarade, dans lequel il publia :
"Le Mystère du serpent à plumes (1935), premier épisode des aventures de Pierrot Lancry, écrit par Georges Sadoul sous le pseudonyme de René Duchâteau. Reprenant le schéma du roman populaire, cette histoire pour adolescents est publiée tout d'abord sous la forme d'un feuilleton entre octobre 1935 et octobre 1936 dans Mon Camarade. Pierrot Lancry, 13 ans, le regard noir et franc, est le fils d'un ouvrier travaillant dans une raffinerie, près de Rouen. Son oncle, physicien et savant, est soudain enlevé par les sbires du puissant et richissime roi du pétrole, Vandergold, qui contrôle toute une partie de la presse, complice de ses machinations criminelles : seuls les journaux de gauche sont désignés comme des journaux indépendants."
[extrait de Guillaume Bridet & Christian Petr, Écrivains communistes français: enjeux et perspectives, L'Harmattan, 2011]
Sous ce même pseudonyme, il signa d'autres textes, tels que "Le Trèfle noir" (1936) ou "L'Homme des gouffres" (1937) par exemple.
Il fit aussi paraître dans Mon Camarade une adaptation B.D. de "L'Hyperboloïde de l'ingénieur Garine" d'Alexeï Tolstoï, sous le titre "Le Rayon de la mort". A ce sujet, lire le dossier L'Hyperboloïde de l'ingénieur Garine de Tolstoï en BD sur Russkaya Fantastika.
"Presse enfantine" fut, très probablement, à l'origine de la publication par Georges Sadoul du pamphlet "Ce que lisent vos enfants : la presse enfantine en France : son histoire, son influence, son évolution" (Bureau d'éditions - 1938).
Seule une comparaison des deux textes pourrait le confirmer... ou pas...
NOTE 1 : Le texte de Georges Sadoul n'est pas illustré. Les illustrations ajoutées sont extraites de différents articles/dossiers publiés sur le Blog de l'Amicale Des Amateurs de Nids À Poussière.
NOTE 2 : Georges n'a (sauf erreur de ma part...) aucun lien de parenté avec Jacques, Barbara ou Numa Sadoul.
Georges Sadoul "Presse enfantine" in Commune n°40 de décembre 1936.
PRESSE ENFANTINE
Les journaux d'enfants se vendent, chaque semaine, en France, à trois millions et demi d'exemplaires...
C'est un fait dont on ne saurait trop souligner l'importance. Le journal enfantin, acheté par l'écolier hors de l'influence des maîtres ou des parents, lu souvent en cachette de ceux-ci, est une pièce capitale de cet univers enfantin où se fabrique l'homme de demain.
Combien d'hommes sont morts sur les champs de bataille marocains ou dans les fiévreuses forêts congolaises pour avoir, enfant, admiré les belles images de l'Intrépide et du Journal des voyages. Et on a pu avec vraisemblance établir que le Bateau ivre avait tiré la majeure partie de ses métaphores d'années du Magasin pittoresque que Rimbaud feuilleta chez Izambard, on a pu aussi tenter de prouver que le Sonnet des voyelles n'était que la transposition géniale et lyrique d'un alphabet d’Épinal...
L'image d’Épinal a tenu lieu de presse enfantine pour le peuple au cours du siècle dernier. A la même époque paraissaient les premiers hebdomadaires qui s'adressaient à l'enfance bourgeoise. Le Journal des enfants, le Journal des familles, et plus tard le Magasin d'éducation et de récréation, le Petit Français, le Journal des voyages.
L'établissement d'une école laïque, gratuite et obligatoire, fournit il y a un demi-siècle environ, la base culturelle nécessaire au développement d'une littérature enfantine à large diffusion en même temps qu'elle permettait la croissance intensive de cette littérature dite « populaire », dont les romans de très basse qualité ont fait la fortune de l'éditeur de Candide.
Plusieurs années se passèrent toutefois avant que les nouvelles publications enfantines connaissent toute leur vogue. C'est seulement au début de ce siècle qu'apparaît la presse enfantine de masses, à l'époque où le journal à un sou s'impose à la clientèle adulte.
L'image d’Épinal qui avait été à son apogée commerciale — au moment du second Empire, était alors en pleine décadence. Aux bois gravés avaient succédé les reports sur pierres lithographiques, puis sur zinc. Lorsque l'habile Charles Pinot meurt en 1878 après avoir odieusement caricaturé les Communards et glorifié les Versaillais, l'image d’Épinal meurt avec lui. On ne fait plus guère que réimprimer les modèles du second Empire qui sont coloriés ensuite au pochoir mécanique. Les dessins nouveaux sont fades, dégénérés... le procédé a fait son temps...
L'emploi de la trichromie sur zinc, l'utilisation des rotatives permet dans les premières années du siècle, de donner à l'enfance, pour le prix d'une feuille d’Épinal, des journaux de seize pages, dont quatre, en couleurs, sont visiblement inspirées dans leur technique des traditionnelles images d'autrefois : le récit court sous des petits dessins carrés.
C'est le trust de presses Offenstadt (qui existe encore à l'heure actuelle) qui connaît alors la plus grande vogue. L’Épatant, Fillette, l'Intrépide, le Petit illustré, le Bon Point sont successivement lancés par ses soins. Devant ces succès, d'autres éditeurs publient des journaux semblables : les Belles Images, la Croix d'honneur, la Jeunesse illustrée, le Jeudi de la jeunesse, la Semaine de Suzette, etc...
Les catholiques, toujours à l'affût de ce qui touche à l'enfance, combattirent cette presse commerciale qu'ils accusaient d'immoralité, puis lui créèrent une concurrence. Il faut citer le Noël et l’Étoile noëlliste, qui s'adressèrent aux fillettes de la petite bourgeoisie et qui ont été la base de cercles très développés dans le monde entier ; le Pèlerin, publication mixte que lit aussi bien la part la moins cultivée de la population catholique que l'enfance ; Pierrot et Lisette, organes de large diffusion et d'aspect neutre, édités par le Petit Écho de la mode... Enfin, dans ces dernières années, Cœurs vaillants à l'usage des enfants des patronages et A la page pour les adolescents. Ils sont édités par la Bonne Presse comme le Noël et le Pèlerin.
Trente années durant, la situation de la presse enfantine française ne se modifia guère. La presse Offenstadt continuait de dominer le marché, en dehors du secteur confessionnel occupé par l’Église. Les anciennes publications, destinées à l'enfance bourgeoise : le Journal des voyages, le Petit Français, Saint-Nicolas, Mon Journal ne survécurent pas à la guerre. Elles furent remplacées, il y aura bientôt dix ans, par Benjamin, journal d'une conception nouvelle et d'ailleurs techniquement intéressante, celle d'un journal d'enfants possédant des rubriques et des collaborations analogues à celles d'un journal d'adultes. Les tendances de Benjamin sont ultra-réactionnaires. Qu'il suffise de dire qu'il a été fondé par un groupe de rédacteurs de l’Écho de Paris. Ce journal n'est d'ailleurs lu que par les enfants des lycées et son tirage ne dépasse guère cent mille exemplaires.
Mais il y a trois années, le « marché » de la presse enfantine française fut brusquement bouleversée par un véritable dumping de la concurrence étrangère.
Le journal d'enfants a cette particularité qu'il nullement « tenu » par l'actualité. Ce que l'enfance y cherche, c'est la nouvelle aventure d'un des héros qu'on lui a fabriqué, les singularités du monde, les plaisanteries quasi-folkloriques des almanachs, les inventions du jour, d'interminables romans.
Aucune de ces marchandises spirituelles qui ne soit susceptible d'être fabriquée mondialement, en grande série. J'ai lu quelque part qu'il existe en Amérique une véritable usine à fabriquer les bons mots et les « gags ». Un classement judicieux les a répartis en diverses catégories. Ils sont rangés dans des fichiers automatiques. Pressez sur un bouton et la fiche « Comment vas-tu Yau de Poêle » est éjectée automatiquement, avec une série de grilles permettant sa transformation automatique en histoire juive, marseillaise, irlandaise, mythologique, etc...
Mais infiniment plus que la fabrication des bons mots, celle des « héros » de l'enfance a été rationalisée. Pour lancer hier l'admirable Mr. Jabot de Topfer, l'excellente Famille Fenouillard de Christophe, l'inepte Bécassine ou les Pieds nickelés de Forton, ces crapules sympathiques, il suffisait d'une découverte heureuse d'un dessinateur et de beaucoup de persévérance. Aujourd'hui un type se lance comme un cuirassé.
Je retranscris ici un écho publié dans le journal d'enfants Mon Camarade :
Au cours des sept premières années de sa carrière, Mickey Mouse a rapporté aux États-Unis seulement 140 millions de dollars, dont 35 millions pour la seule année 1934, la dernière de l'exercice considérée. Par ailleurs, l'engouement pour Mickey est plus vif que jamais en Amérique. On le voit aussi bien sur des ballons de baudruche à 5 cents que sur des bracelets sertis de diamants à 1.500 dollars. En Angleterre, Mickey a fait en 1934 un chiffre d'affaires de 10 millions de dollars, et la même année 40 % des jouets d'enfants, présentés à la Foire de Leipzig, se rapportaient à Mickey et a ses aventures.
Pour les seuls Pays anglo-saxons, le chiffre d'affaires de Mickey était donc de près d'un milliard de francs actuel, il y deux ans de cela.Et tout permet de croire que ce chiffre d'affaire s'est considérablement accru cette année où la légendaire souris a fêté son dixième anniversaire.
L'exploitation de la firme Mickey est multiple. D'abord le dessin animé, qui a fait sa popularité au cinéma. Puis les histoires en images pour adultes, publiées dans les journaux ou leurs suppléments du dimanche. Puis les multiples bibelots, marques de bonbons, de cirage, publicité, etc. Enfin et surtout les Journaux de Mickey, édités dans toutes les langues et publiés dans le monde entier. J'ai entre les mains un journal sud-américain dont tout le succès est dû aux aventures de Mickey et dont le tirage dépasse largement un million d'exemplaires hebdomadaires. Il existe des éditions de Mickey dans tous les pays de l'Amérique latine, en Angleterre, en Allemagne, dans l'Europe entière, dans plusieurs pays d'Asie, dans toutes les colonies anglaises. L'édition française du Journal de Mickey, après deux années d'une carrière triomphale, a atteint aujourd'hui le chiffre de 450.000 exemplaires hebdomadaires.
Mickey n'est pas le seul type comique qui ait dû son développement prodigieux aux hommes d'affaires américains. Félix le Chat, son prédécesseur aux dessins animés, Popeye-Mathurin, le marin qui tire sa force prodigieuse des épinards en conserve, le lunatique Professeur Nimbus, Tarzan, cette édition populaire du Livre de la jungle, la famille Jiggs (la famille Illico de Robinson), Annie, la petite orpheline qui trouve toujours sur sa route des millionnaires au grand cœur, Jim la Jungle, Bick Bradford, Guy l’Éclair, héros athlétique au torse nu, Bonny ou le père Lacloche, chômeurs éternellement contents, Dick Tracy, le détective infaillible, voilà quelques-uns des personnages qui sont venus récemment d'outre-Atlantique à la suite des héros d'autrefois, Buffalo Bill, Nick Carter et Nat Pinkerton.
Tous ces héros standardisés sont liés de très près aux trusts américains qui contrôlent à la fois le cinéma, la presse et la radio. Le plus important manager de ces histoires en images est Mr. Hearst, le défenseur de la candidature Landon, l'homme qui vit de boue et de scandales, le plus sûr soutien d'Hitler et de Mussolini aux États-Unis. Chaque année les Mr. Hearst fructifient à exploiter la clientèle enfantine du monde entier. Nous sommes aujourd'hui très loin des ateliers patriarcaux de Pellerin à Épinal, dont les explorateurs du siècle dernier retrouvaient pourtant les images dans les huttes peaux-rouges de l'Arizona. Un véritable trust des cerveaux d'enfants est organisé dans le monde...
Le trust a poussé la rationalisation jusqu'à ses extrêmes limites. Le lancement d'un type est amplement amorti par la seule clientèle américaine. Si nous en croyons la très bonne revue enfantine de New-York, New Pioneer, le tirage hebdomadaire des histoires comiques aux États-Unis dépasse six millions d'exemplaires chaque semaine et elles sont lues par vingt-cinq millions de personnes, enfants et adultes. Les bénéfices d'exploitation à l'étranger sont des bénéfices nets qui vont grossir le capital des trusts.
Les trusts possèdent dans les diverses nations des agences littéraires qui revendent, pour un prix relativement très bas, les histoires américaines. Les empreintes ou « flans » des clichés de couleur sont envoyés directement de New-York. Les textes sont traduits et adaptés sur une épreuve du cliché noir... Travail de manœuvre payé à l'heure.
L'acquéreur d'une histoire américaine la paye moins cher qu'une histoire originale, œuvre d'un dessinateur français, et en outre ses dépenses de clichages sont réduits presque à néant ; il bénéficie en outre de la publicité qui a déjà été faite au type par le cinéma, les autres journaux, la presse étrangère. Il ne reste plus aux dessinateurs français de journaux d'enfants qu'à subir le sort des musiciens de cinéma après la généralisation du parlant.
Dans certains cas, les trusts cèdent leurs histoires aux journaux d'enfants ou d'adultes. La presse Offenstadt, par exemple, quand elle a voulu se moderniser pour soutenir la concurrence des éditions françaises de la presse américaine, s'est assuré l'exclusivité des aventures de Félix le Chat, de Tarzan, de Laurel et Hardy, de Bunny, d'autres encore. Dimanche illustré (éditions du petit Parisien) a placé à côté des créations d'Alain Saint-Ogan un Bicot président de Club venu d'Amérique. Le copyright du professeur Nimbus a été cédé exclusivement au Journal, alors que le Petit Parisien ne publie que certaines aventures de Mickey.
Les trusts américains publient aussi en France des journaux d'enfants qui sont leur propriété. C'est le cas du Journal de Mickey et de Robinson qui ont inauguré en France une nouvelle conception de la presse enfantine et qui ont conquis un secteur extrêmement étendu du « marché ».
Le succès du Journal de Mickey bouleversa dès 1934 la presse enfantine traditionnelle française et fit perdre des avantages tenus depuis trente années.
La presse Offenstadt tenta de s'adapter en agrandissant son format, en utilisant la formule qui se substitue maintenant à celle de l'ancienne image d’Épinal pour les histoires illustrées. Le texte est inscrit dans le dessin même et sort généralement de la bouche des personnages comme dans les peintures du moyen âge et les dessins d'enfants.
L'utilisation des copyrights américains permit à des commerçants exilés d'Italie de fonder Jumbo, puis Aventures, publications assez médiocres, mais d'une parfaite neutralité. Enfin un trust italien est entré en concurrence avec les trusts américains pour la conquête du marché français.
La presse italienne connaît depuis longtemps un développement assez considérable.
Chacun connaît par exemple le Corriere dei Piccoli, édité par le Corriere della Sera. Cette publication était, paraît-il, honorable durant les années avant le fascisme. Elle est maintenant du niveau culturel du régime. On rougit d'y voir par exemple des images représentant l'héroïque balilla Venturino se faire à la lettre lécher les pieds par des Abyssins admiratifs.
Il s'est fondé depuis quelques années en Italie un trust dirigé par un certain Del Duca et qui s'inspire des méthodes américaines. Après le succès de sa publication italienne l'Intrepido, il en a fait paraître des éditions étrangères en Espagne et en France, L'édition espagnole a été suspendue après le dix-huit juillet. L'édition française est publiée sous le titre d'Hurrah!
Il y a deux années, Hurrah! couvrit les murs de Paris d'affiches où trois jeunes écoliers en sarrau noir levaient le bras à la romaine. Ce trio sympathique figura quelques semaines sur la manchette du journal, puis fut remplacé par un casque ailé et une épée, démarquage conscient de l'insigne des Jeunesse patriotes. Depuis la dissolution des ligues, Hurrah! se contente d'un chien qui joue la louve romaine.
Le succès d'Hurrah! en France a permis à M. Del Duca de publier en France deux autres hebdomadaires : l'Aventureux et le Corsaire de fer. Ils sont tous deux imprimés à Milan dans les propres imprimeries du trust ; les frais de transport sont largement compensés par les bas salaires de l'Italie mussolinienne.
Ces trois revues sont uniquement composées d'histoires en images, les unes sont américaines, les autres sont un démarquage italien des productions des États-Unis. Partout la propagande fasciste la plus éhontée.
Certes, dans l'lntrepido, édition italienne d'Hurrah!, cette idéologie est plus cyniquement étalée que dans les versions françaises. Leurs couvertures bariolées montrent le comte Ciano à bord de la Disperata ou des avions aux armes de la maison de Savoie massacrant des Abyssins. On y trouve aussi des jeux éducatifs de cette espèce : « Pour qui la croix d'honneur ? Pour le soldat d'Abyssinie. Pour qui le pot de chambre ? Pour l'homme qui boit de l'huile de ricin. Pour qui le bûcher ? Pour la Société des Nations. »
Mais voici cependant, dans l'édition française, Dick l'intrépide, grand pourfendeur de « Boches » et d'Autrichiens et la guerre de 1914, Olga, l'héroïque petite orpheline qui, en Russie, lutte avec l'aide des popes contre des bandits précurseurs des infâmes bolchéviks, et Tino le petit Corse, qui est aidé dans ses exploits brésiliens par un petit curé de douze ans qui tire au mauser tout comme un prêtre des armées de Franco...
Enfin, une large place est tenue par des mascarades en casque romain, où tout prétexte est bon pour montrer des héroïnes à la poitrine avantageuse et des athlètes vêtus d'une feuille de vigne étroitement ajustée, car les travaux des psychanalystes ont démontré que le sex-appeal avait son importance pour l'enfance.
Une enquête récemment menée par Mon Camarade parmi les enfants des patronages municipaux de diverses régions a montré que les anciennes publications, de l’Épatant à l'Intrépide étaient maintenant presque entièrement délaissées au profit d'Hurrah!, de Mickey, de Robinson, publications derrière lesquelles se profilent les intérêts de Mussolini et ceux d'Hearst-Hitler... L'Italie et l'Allemagne ont, on le voit, des agents en dehors de la presse pour adultes...
La presse enfantine qui s'efforce d'être probe et de garder un bon niveau culturel, a malheureusement infiniment moins d'importance que la Presse commerciale. On a connu, il y a dix ans, l'effort des Petits bonshommes. Après diverses vicissitudes, cet hebdomadaire a dû disparaître. Nous avons souvent eu l'occasion d'entretenir nos lecteurs de la Gerbe, la belle publication de Freinet. Il faut aussi mentionner Copain Coop, publication mi-mensuelle à buts pédagogiques, éditée en liaison avec les puissantes organisations de coopératives françaises.
L'une et l'autre de ces publications sont avant tout destinées à l'enfant à l'intérieur de l'école ; elles sont généralement diffusées par les maîtres et ne prétendent pas concurrencer la presse à gros tirage, vendue hors de l'école.
Mon Camarade, au contraire, a l'ambition d'essayer de combattre la grande presse enfantine en se servant des armes employées par celles-ci.
Mon Camarade du 3 décembre 1936
Mon Camarade, qui va paraître à partir du 3 décembre tous les jeudis, en trois couleurs, contient la plupart des rubriques que les enfants sont habitués à trouver dans la presse commerciale correspondante : quatre grandes histoires en images, deux romans d'aventures, des jeux, des échos, des variétés, des charades, des travaux de bricolage, etc. On y trouve en outre une page littéraire composée de morceaux choisis de grands écrivains, de Jean-Jacques Rousseau et du folklore à Jules Romains ou à Eugène Dabit, et une page encyclopédique, histoire des grandes inventions, des explorations, etc., remarquablement rédigée par Jacques Bour. La culture trouve aussi sa place dans les autres rubriques. Mon Camarade, qui a fait connaître au public français le si remarquable roman de l'écrivain soviétique Oliecha, les Trois Méchants Gros, publie actuellement une nouvelle traduction de l'Île au trésor de Stevenson. Ses histoires en images ont créé des types intéressants et profondément différents de ceux des autres journaux. Le meilleur d'entre eux est Pat Soum, lutin du monde des machines, créé par Fuzier, et dont le succès est grand. Toto et Toutoune que leurs voyages à travers le monde viennent d'amener en Espagne sont également très populaires parmi l'enfance. Pierre Bost dans Marianne, Schlesinger dans Vendredi ont souligné l'intérêt des tentatives de Mon Camarade. Il faut espérer que ce périodique connaîtra demain un nouvel essor et combattra ainsi plus efficacement dans le domaine enfantin, « pour la défense de la culture ».
GEORGES SADOUL.
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Histoires en images
René Pellos / Jean Sylvère (René Thévenin) - Durga-Râni, reine des jungle dans Fillette
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