"Petit voyage dans l'avenir", écrit et illustré par Georges
, fut publié dans La Jeunesse illustrée n°162 du 1er avril 1906.A lire aussi :
Georges Cyr "Incroyable aventure d'un vieux savant" (1906) [sur le Blog J.-H. Rosny]
« Ah laïtou lala, ça ira, ça ira-a-a. »
Ainsi chantonnait le célèbre docteur Potiron, de l'Académie, en l'an de grâce 1905.
Et cela parce qu'il avait enfin trouvé la solution du problème que son araignée cérébrale cherchait depuis si longtemps ; il l'a enfin le fameux philtre qui lui permettra d'attendre mille ans, à l'état de momie, pour se réveiller, dans le monde d'alors.
1er janvier 2906 ! Crrrr ! pan ! pan ! paf !
Une gerbe d'étincelles, un bonhomme qui saute hors d'une boîte ; c'est le docteur Potiron que son cinquantième arrière-petit-neveu réveille un peu sans façon par le moyen d'un courant électrique.
Mais quel effroi remplit l'âme du vieux savant quand il voit le susdit neveu s'avancer vers lui, quel neveu, grand dieu !
Une tête énorme, des oreilles et des mains idem, un corps réduit à l'état microscopique, des jambes réunies ensemble en une mince tige.
Au demeurant, un brave garçon qui explique à son vénérable ancêtre que la force mécanique ayant remplacé l'homme dans les ouvrages matériels, il n'est plus besoin que d'intelligence c'est-à-dire que d'une tête pour la diriger.
Quand aux ailes, c'est tout simplement un petit mécanisme à vapeur d'éther qui les fait fonctionner.
Au restaurant, Potiron affamé par mille ans de jeûne demande un bon poulet.
« Mais qu'est cela ? une seringue minuscule ? Le garçon se moque de moi.
— Du tout, pour nous éviter la peine de digérer les aliments, on se fait tout simplement sous la peau une injection d'extrait spécial de ces aliments. »
Après ce déjeuner qui sourit médiocrement à l'estomac du savant, ils s'offrirent une petite ballade en aéromnibus, qui a sur le Métropolitain, oublié depuis longtemps, l'avantage de ne pas asphyxier les voyageurs.
Ils croisent en route la « Volante » de gala éclairée au radium, d'un riche Parisien qui se rend au pôle prendre son apéritif à la glace.
Puis ils s'en furent visiter le haras d'automobiles auxquelles on est parvenu à donner l'étincelle de la vie, grâce au radium transformé ; ils virent une petite auto téter le pétrole de sa maman.
Revenus au logis, Potiron songe à se faire présenter à la femme et à la fille de son hôte, il demande à faire un brin de toilette, on le fait asseoir sur une banquette, cric, crac, il est lavé, brossé, peigné, ciré avant d'avoir pu faire ouf.
Ce qui lui permet de se présenter frais et rose devant ses charmantes parentes, et la vue de Mlle Potiron, 156e du nom, fait fondre son vieux cœur de célibataire endurci.
Mais, hélas ! Mlle Potiron ne veut pas épouser un monstre, elle pourrait peut-être y consentir s'il voulait se laisser couper la tête pour la greffer sur un autre corps, car vraiment il est ridicule avec son gros ventre, ses gros bras et ses grosses jambes.
M. Potiron sent renaître un penchant irréductible pour le célibat.
Commenter cet article