"Histoire du grand savant Mécanick", écrit et illustré par Marius Monnier, fut publié dans La Jeunesse illustrée n°6 du 5 avril 1903.
A lire aussi :
Marius Monnier - A quatre-vingt dix mille lieues de la Terre (1906)
Lorsque Mécanick n'était encore qu'un enfant, il aimait tellement l'étude qu'il entrait dans des rages folles quand son père se voyait obligé de lui enlever son livre de mathématiques, pour le forcer à se reposer.
A dix ans, il émerveillait son processeur.
Il l'étonna surtout le jour où il trouva la solution du problème suivant : Un train de chemin de fer transporte 200 000 kilos de pommes de terre et 50 tonnes de haricots.
Quel est l'âge du mécanicien?
Mécanick ne mit pas deux minutes à trouver la réponse.
A vingt ans il fut nommé directeur d'un des plus grands observatoires.
On le vit avec surprise acheter des récoltes entières de vignes.
On comprit plus tard lorsqu'apparut une comète dont Mécanick avait calculé la venue longtemps à l'avance et bien avant ses collègues.
Quelques années plus tard, notre grand savant eut une idée extraordinaire.
Il résolut de rendre habitables certaines régions du Nord, pays des glaces éternelles.
A cet effet, il fit construire d'énormes tuyaux...
... qui s'élevaient à une hauteur prodigieuse, et par où le soleil pénétrait.
La base de ces tuyaux était munie de miroirs d'une puissance telle que les rayons du soleil qu'ils réfléchissaient faisaient fondre les glaces.
Et ces régions sont maintenant très habitées.
Elles sont même devenues un séjour très à la mode. On y rencontre de ravissantes villas, des maisons très coquettes jusqu'aux automobiles et aux pêcheurs à la ligne.
Après cette merveilleuse conquête scientifique, Mécanick se livra tout entier à la recherche d'un problème que les hommes n'ont jamais pu résoudre : le mouvement perpétuel (machine marchant toute seule, ne s'arrêtant jamais).
Mais il s'épuisa vainement dans cette recherche d'une chose impossible.
Il devint maigre comme un clou, et tous ses cheveux tombèrent à la suite des longues fatigues auxquelles il avait soumis son cerveau.
Cela lui procura l'occasion d'inventer une eau merveilleuse pour faire repousser les cheveux. Il s'en aspergea le crâne ; mais malheureusement le jet était trop fort et une grande quantité de cette eau coula sur sa figure.
Cette eau était si efficace que presque instantanément sa tête et sa figure furent recouvertes de longs poils.
Il ressemblait alors à un chien barbet.
Mais il ne fut pas embarrassé pour si peu.
Il inventa immédiatement une pâte épilatoire qui le débarrassa des poils gênants.
Cette eau devint encore d'une utilité incontestable.
En lançant un jet de cette lotion sur un paletot quelconque, on faisait pousser sur ledit paletot une épaisse toison, et le vêtement devenait une admirable fourrure d'automobiliste.
Quelques années plus tard, Mécanick inventa une merveilleuse lunette permettant de voir aux plus grandes profondeurs de la terre.
Il découvrit de splendides agglomérations d'or, et de riches banquiers lui fournirent les capitaux pour extraire cet or de la terre.
Et notre héros devint riche comme le roi Crésus : ses coffres-forts étaient tout remplis de gros sacs d'or, de cet or qu'il avait découvert grâce à son extraordinaire télescope.
Le nombre des découvertes de Mécanick fut immense.
L'une des plus curieuses fut celle des maisons volantes, moyen pratique et confortable pour les voyages aériens.
Inutile d'aller sur les montagnes pour respirer l'air pur, on l'a à domicile.
Des habitants d'une station balnéaire, très fréquentée l'été, vinrent un jour trouver Mécanick, dont le génie était universellement connu, et lui demandèrent s'il ne possédait pas un moyen pour attirer les étrangers chez eux même l'hiver.
Mécanick fit la fortune des habitants de ce pays, en installant de gigantesques tuyaux par lesquels la vapeur venait chauffer l'eau, et lui communiquait une température très agréable.
Aujourd'hui cette plage est aussi fréquentée l'hiver que l'été.
Mécanick inventa aussi de merveilleux navires rapides et gigantesques qui traversaient les océans en quelques heures.
Sur ces navires, rien ne manquait, il y avait jusqu'à des jardins et des allées d'arbres où les oiseaux de mer nichaient par milliers.
D'immenses déserts furent arrosés d'après ses plans.
L'eau coula dans de longues canalisations et arrosa les sables arides.
Ce fut une belle conquête sur la nature inculte.
Ces régions, jusqu'alors désolées, furent bientôt recouvertes d'une végétation extraordinaire.
On y récolta les plus beaux fruits et les plus beaux légumes que l'on puisse imaginer.
La patrie de Mécanick ne possédait pas de colonies.
Dans l'intérêt de son pays, il fit faire d'immenses et solides radeaux ayant plusieurs centaines de kilomètres de longueur ; puis il les fit couvrir de roches et de terre.
On y planta des arbres et toutes sortes de végétaux.
Puis on y bâtit des villes entières et ces immenses radeaux furent ancrés au milieu des océans.
Ils formèrent ainsi des îles dont le commerce devint très important, et la pays de Mécanick fut un de ceux possédant les plus belles colonies.
Un jour notre savant découvrit un liquide qui, par son contact, transformait tout en or.
Déjà la cuiller qui le contenait était transformée.
La joie de Mécanick fut immense.
Malheureusement quelques gouttes du liquide sautèrent sur le savant et lui-même fut aussitôt transformé en une superbe statue d'or massif.
Celle-ci fut placée dans le plus beau palais du pays de Mécanick où ses concitoyens peuvent admirer la statue vraiment ressemblante de ce grand savant, martyr de la science.
Commenter cet article