Le Baron de Crac est, bien évidemment, le Baron de Münchausen revu et corrigé par Cami.
Cami le mettra en scène dans de nombreuses aventures : "Exploits galants du Baron de Crac" (1925), "Les Aventures sans pareilles du Baron de Crac" (1926), ainsi que le "Le Neveu du Baron de Crac" (1927).
La pièce "Les aventures galantes du Baron de Crac" est occasionnellement jouée au théâtre ; à Paris en 2003 par exemple.
Pour ceux/celles qui souhaitent en apprendre davantage, le Blog Les aventures du Baron de Crac propose quelques informations et documents inconographiques complémentaires.
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COMMENT LE BARON DE CRAC PARTIT A LA RECHERCHE DE L'ATLANTIDE. SAUVA ANTINEA ET SURVOLA LE SAHARA À DOS DE VACHE.
LE BARON DE CRAC, à ses « Auditeurs-émerveillés-d'avance ». — On parlait déjà beaucoup, à cette époque, de l'« Atlantide », ce fabuleux royaume disparu, que certains savants prétendaient exister encore dans les montagnes du Hoggar, au centre du Sahara.
Louis XV, jaloux de mes succès féminins à la cour, et pour m'éloigner de sa Pompadour, me chargea d'explorer le désert pour tenter de découvrir l'Atlantide.
Je partis donc pour le Sahara avec mon fidèle « Valet-Dodu ».
Je parcourais le désert depuis quelques jours déjà, à la recherche des montagnes du Hoggar, lorsque nous croisâmes un troupeau de vaches conduit par un vieil Arabe.
Au passage du troupeau, je fus très étonné en constatant que toutes les vaches avaient leurs mamelles enfermées dans une épaisse gaine de cuir.
J'interrogeai le conducteur du troupeau. Il me répondit que cette gaine était indispensable pour la traversée du Sahara, car, sans cette, précaution, l'ardent soleil du désert ferait bouillir instantanément le lait dans les mamelles des vaches. Cet Arabe m'apprit encore qu'il était laitier de son métier et qu'il traversait le désert pour se rendre en Algérie. Je lui achetai une vache, pensant qu'elle pourrait nous être fort utile en cas de disette d'eau.
Le laitier me recommanda surtout de n'enlever la gaine, pour traire la vache, qu'après le coucher du soleil. Je lui achetai également quelques sacs de foin pour nourrir l'animal jusqu'à la prochaine oasis.
Avant de quitter le laitier-arabe, je lui dis : « Vous devriez exercer votre profession dans le désert. Les voyageurs assoiffés des caravanes seraient pour vous de fidèles clients. »
Mais le laitier, qui, sans doute, n'était pas très consciencieux, me répondit en s'éloignant : « Allah m'en préserve !... Le désert n'est pas un séjour rêvé pour un laitier : il n'y a pas d'eau ! »
Suivis de la vache, qui portait ses sacs de foin sur son dos, nous reprîmes notre exploration à travers le désert africain. Un jour, pendant que j'étais penché sur un plan du Sahara et que je constatais, avec satisfaction, que nous approchions des montagnes du Hoggar, quatre cavaliers touareg passèrent près de nous à fond de train. L'un des cavaliers, portait, en travers de sa selle, une jeune femme qui poussait des
appels déchirants.
Sans hésiter — vous le devinez, mes chers amis — je pris mon fusil et, deux minutes plus tard, trois cavaliers sur quatre avaient déjà mordu la poussière.
Le quatrième, celui qui portait la femme sur sa selle, fit volte-face et me chargea, yatagan levé. Naturellement, comme les trois autres, celui-là aussi tomba foudroyé par mon coup de feu, et je n'eus que le temps d'arrêter son cheval d'une main et de saisir de l'autre la malheureuse femme prête à tomber sur le sol.
Jugez de ma surprise et de mon bonheur, messieurs, lorsque la jeune et ravissante créature — car elle était d'une beauté impossible à décrire — m'apprit qu'elle se nommait Antinea, qu'elle était reine du royaume d'Atlantide et qu'elle avait été enlevée par des Touareg pillards lors d'une excursion hors de son mystérieux pays.
Antinea me remercia avec émotion, et je vis qu'elle n'était pas insensible au charme bien connu de mon physique avantageux. Elle m'invita à passer quelque temps dans son palais. « Nous ne sommes pas trop éloignés de l'Atlantide, ajouta-t-elle, et, dès qu'il fera jour, je vous guiderai vers l'entrée secrète de mon royaume. »
Dès le lendemain matin, nous nous mîmes en route, Antinea, moi, Dodu et la vache, vers le mystérieux pays du Hoggar.
Vers le milieu de l'après-midi, nous fûmes cernés par une tribu de Touareg.
Ces féroces bandits du désert arrivaient sur nous de toutes parts, au galop de leurs rapides coursiers.
— Nous sommes perdus ! murmura Antinea.
— Rassurez vous, belle reine ! m'écriai-je ; moi vivant, les Touareg ne toucheront pas un seul de vos cils !
Mais, entre nous, mes amis, je me demandais comment j'allais nous tirer de cette périlleuse situation.
Soudain, une idée folle, la plus audacieuse peut-être de ma carrière, jaillit dans mon cerveau surchauffé par le soleil africain.
Je me précipitai vers la vache laitière et, d'un geste prompt, j'enlevai la gaine qui protégeait ses mamelles. Puis, soulevant respectueusement Antinea, je la plaçai sur le dos de la vache, en amazone, et je sautai moi-même à califourchon sur l'animal.
— Vite ! Hop ! en croupe, Dodu ! criai-je ensuite à mon valet.
Sans comprendre, tout ahuri, Dodu sauta derrière moi sur le dos de la vache.
Et soudain, ce que j'avais prévu se réalisa. Juste au moment où les Touareg allaient fondre sur nous, la vache, qui nous servait du monture, s'éleva rapidement dans les airs comme une montgolfière. En bas, les Touareg fanatiques, croyant à un miracle de Mahomet, fuyaient déjà dans toutes les directions, pris d'une folle panique.
Pendant ce temps, la vache montait, montait toujours dans l'atmosphère.
— Vous êtes donc sorcier, ô mon sauveur ? murmura Antinea pendant que nous nous élevions dans le ciel africain. Par quels sortilèges pouvons-nous planer ainsi en plein ciel sur cette vache-volante ?
— Non, ma belle reine, lui répondis-je, il n'y a pas de sorcellerie là dedans ! C'est tout naturel, au contraire ! J'ai simplement enlevé la gaine qui protégeait les mamelles de la vache des rayons solaires.
Chauffé par l'ardent soleil du désert, le lait enfermé dans les mamelles s'est mis à bouillir instantanément. Or, que fait le lait quand il bout ?...
— Il monte, monsieur ! il monte !... répondit mon « Valet-Dodu ».
— Oh ! je comprends, s'écria alors Antinea, en me contemplant avec admiration ; le lait monte et fait monter avec lui la vache et ses cavaliers !...
— Oui, Antinea, vous voyez que c'est bien simple ! répondis-je modestement.
— Ah ! monsieur s'écria à ce moment mon « Valet-Dodu » enthousiasmé, que c'est beau le Sahara vu à vol de vache !
Nous montâmes ainsi pendant près de trois heures. Soudain, je vis notre vache tourner lentement la tête et fixer un point de l'atmosphère avec une expression de béate satisfaction. Je compris aussitôt qu'elle regardait passer un train.
CHŒUR DES AUDITEURS FORTEMENT CONGESTIONNÉS. — Un train ?...
LE BARON DE CRAC. — Oui. Sur la voie lactée ! Puis, dès que le soleil fut couché, le lait se refroidissant lentement, nous redescendîmes en vol plané.
Fatigués par cette « chevachée » fantastique, nous nous endormîmes bientôt sous les palmiers d'une oasis.
Au milieu de la nuit, je fus réveillé en sursaut par mon « Valet-Dodu » qui poussait des cris d'admiration tout en dormant.
— Que rêves-tu donc, animal ? lui dis-je. Pourquoi pousser de pareils cris ?
— Ah ! monsieur, c'était beau ! me répondit Dodu. Je rêvais que toutes les vaches de la terre avaient des ailes et voltigeaient en troupeaux comme des hirondelles à travers le ciel !
A ce moment, Dodu s'interrompit et poussa une exclamation de dégoût. C'était un oiseau qui, perché dans l'arbre sous lequel reposait Dodu, venait de s'oublier sur le visage de mon fidèle valet.
Alors, après s'être essuyé la figure, Dodu conclut philosophiquement : « Au fond, monsieur, tout bien réfléchi, il vaut mieux que les vaches ne volent pas !... »
RIDEAU
Texte et dessin de CAMI.
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