Un jour, en l'année 45 milliards de notre ère, la Lune a éclaté et donné naissance à d'innombrables petites Lunes, qui entourent, maintenant, la Terre d'un anneau.
Le phénomène, dont l'attente tenait l'humanité terrestre dans une angoisse extrême, s'est enfin produit. La Lune vient de faire explosion. Il y avait bien longtemps que l'on savait qu'un tel événement aurait lieu.
Depuis des milliers de milliers d'années, des prophètes, qui vivaient dans l'antiquité la plus reculée, au vingtième siècle, avaient émis cette prédiction. C'est tout au moins ce que les archéologues réputés affirment. Ils disent, effectivement, avoir retrouvé, au cours de fouilles, effectuées à des centaines de mètres de profondeur, dans une sorte de « reliquaire » construit aux États-Unis, des documents, conservés par miracle et où il est même dit que la prédiction du prophète anglais, un nommé sir Jeans, qui paraissait jouir d'une belle réputation parmi les barbares de ce temps-là, avait été précédée d'une autre, un peu antérieure (900 ans environ) d'un autre saint, Irlandais celui-là, qui affirmait que le règne de l'antépénultième Souverain Pontife serait caractérisé « par moitié de Lune ».
On demeure confondu par la divination de ces lointains ancêtres, qui étaient, vous le pensez bien, à peine civilisés. Il paraît, autant qu'on peut le savoir, qu'ils en étaient encore réduits à se faire la guerre et à s'entretuer pour se procurer, notamment, une certaine matière appelée charbon, dont ils se servaient pour produire de l'énergie et dont on peut voir encore quelques rares échantillons dans les très grands musées. Il y a en effet, des milliers de siècles que cette substance est devenue introuvable naturellement.
La Lune craque
Bref, tous nos lecteurs le savent, pour s'en être rendu compte eux-mêmes et l'avoir constaté au cours de leurs petits déplacements en fusée interplanétaire sur notre compagne céleste, la Lune. Des craquements
multipliés et de plus en plus retentissants se faisaient entendre à un rythme accéléré, depuis quelque temps.
Chacun de nous sait que la Lune était une masse sphérique, rocheuse, obscure, qui décrivait, autour de notre globe, une trajectoire parcourue, à l'origine du monde, en un mois environ, en tournant toujours la même face vers nous. Les quelques rares habitants de la Terre qui casaniers, se sont contentés d'aller de Paris à Tokio ou à Valparaiso, dans les véhicules strastosphériques, ne connaissent pas l'autre face de la Lune.
Entre cette dernière et la Terre existait un équilibre réalisé par l'intervention de la force centrifuge et de la force de gravitation universelle, équilibre qui aurait subsisté indéfiniment si un « freinage » n'avait pas existé, lui aussi, et qui a été la cause de la catastrophe céleste à laquelle nous venons d'assister.
Ce n'est pas d'hier que les savants ont affirmé que l'astre de nos nuits est le grand responsable des marées, ces formidables mouvements des océans, lesquels dépensent une énergie considérable, en frottant contre le fond et les rivages. Le résultat ? Le freinage dont nous venons de parler, et, par suite, depuis le début du monde, un allongement continuel du monde, un allongement continuel du jour. Le soulèvement de la surface océanique n'atteint guère que 0 m. 90 au milieu de l'Atlantique. Cependant, en certains endroits, où le rivage fait obstruction, il pouvait atteindre 21 mètres comme dans la baie de Fundy.
Le freinage s'exerçait aussi bien sur la Lune que sur la Terre, si bien que les durées du mois lunaire et de l'année étaient progressivement modifiées. D'une manière inappréciable à l'observation directe, il est vrai. Pourtant, déjà, il y a des milliers de siècles, les « jours lunaires » étaient fort longs puisqu'ils comportaient deux semaines d'un soleil tropical et deux semaines d'un froid terrible, plus que polaire. On trouve ces renseignements dans les manuscrits de sir Jeans.
Les marées continuèrent à agir dans le sens indiqué, jusqu'à ce que la Terre et la Lune tournent, avec un ensemble parfait. Notre globe présentait toujours la même face vers son satellite, si bien que les habitants de l'un des hémisphères terrestres ne voyaient jamais la Lune, tandis que l'autre hémisphère était éclairé par elle, tous les soirs. La durée du jour et du mois étaient identiques, chacune étant égale à environ quarante-sept des jours « primitifs ». L'action combinée des marées solaires et lunaires ralentit encore davantage la rotation de la Terre ; en même temps, la Lune se rapprochait de plus en plus de la Terre.
La Lune se rapproche
Aux dernière nouvelles, la distance entre la Terre et la Lune valait 19.300 km., au lieu d'être de 386.160 km., comme à l'origine des temps géologiques. L'enflure de la marée était alors toute entière d'un seul côté de la Terre car on est autorisé à négliger le faible renflement dû à l'attraction du Soleil.
Vue de la Terre, la Lune apparaissait toujours à la même place dans le ciel, immense et menaçante (30 fois plus grosse et 1.000 fois plus lumineuse qu'au début du monde), tandis que les planètes, les étoiles et le Soleil poursuivaient leur course apparente.
La masse lunaire n'a pas pu résister aux forces de dissociation qui la sollicitaient à se rompre : force centrifuge à l'opposé de la Terre et force d'attraction terrestre. Elle s'est fragmentée en un système de satellites qui tourneront, à partir de maintenant, autour de la Terre.
Nous n'avons d'ailleurs rien entendu de la formidable détonation qui a accompagné la rupture de la Lune, puisque les ondes sonores exigent, pour se propager, un milieu matériel, et que ce dernier n'existe pas à la distance de 19.300 km. de la Terre. Par contre, et malheureusement, car ils ont causé des dégâts considérables, de nombreux morceaux de la Lune sont tombés sur notre planète ; certains météores gigantesques, portés à l'incandescence par le frottement contre l'atmosphère terrestre, sont venus s'incruster dans le sol du globe. Et nous ne disons rien des innombrables victimes causées par les effroyables tremblements de terre, les inimaginables raz de marée qui ont accompagné le cataclysme.
L'Anneau de la Terre
Finalement, la Lune forme un système de minuscules satellites tournant autour de la Terre, de la même façon que les particules qui composent les anneaux de Saturne tournent autour de Saturne.
Par les belles nuits d'été, alors, les innombrables petites lunes, dessineront une arche lumineuse dans le ciel, tandis que l'ombre de la Terre (correspondant à l'ombre de Saturne sur ses anneaux) produira une grande « morsure », visible sur la bande lumineuse. Cette ombre immense s'élèvera puis, finalement, disparaîtra au sud-ouest. De jour, cette ceinture lunaire cachera plus ou moins le Soleil, pendant des jours et des semaines, suivant la densité de ses particules.
Jean Aubin.
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