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Amicale des Amateurs de Nids à Poussière

Amicale des Amateurs de Nids à Poussière

Le Blog de l'Amicale Des Amateurs de Nids À Poussière (A.D.A.N.A.P.) est un lieu de perdition dans lequel nous présentons revues, vieux papiers, journaux, ouvrages anciens ou récents, qui s'empilent un peu partout, avec un seul objectif : PARTAGER !

Publié le par Fabrice Mundzik
Publié dans : #Pierre Mille, #Les Arts et Le Livre, #Angelina Beloff, #La Joie de Nos Enfants, #Crès, #Louis Figuier, #J.-H. Rosny

Ce texte de Pierre Mille, évoqué il y a quelques temps par Christine Luce sur ce même Blog, nous explique la véritable cause de la disparition des mammouths...

Il n'est présenté ici qu'à titre de document historique littéraire, la présence de mammouths n'a pas du tout influencé ma décision de le mettre en ligne. :)

A lire aussi :

Pierre Mille, Le Théâtre du Grand Guignol et Comment la baleine perdit ses pieds

Pierre Mille - La vérité sur la découverte de l'Amérique (1923)

Gourguen Agourtchikovitch - Une histoire abracadabrante... (1944)

Clara [H. Robitaillie] "Minouk, l'amie du Mammouth" (1956) [1/4]

Clara [H. Robitaillie] "Minouk, l'amie du Mammouth" (1956) [2/4]

Clara [H. Robitaillie] "Minouk, l'amie du Mammouth" (1956) [3/4]

Clara [H. Robitaillie] "Minouk, l'amie du Mammouth" (1956) [4/4]

... ainsi que J.-H. Rosny, critique littéraire : Louis Figuier sur le Blog dédié aux J.-H. Rosny.

 

Pour l'anecdote, les éditions Les Arts et Le Livre, dans la collection La Joie de nos Enfants, ont publié en 1928 un album intitullé "Comment la baleine perdit ses pieds".

Ce même éditeur, dans la même collection a aussi publié "Le Trésor lointain", de... J.-H. Rosny aîné, en 1926 !

Pierre Mille - Comment la baleine perdit ses pieds (1926)

Comment la baleine perdit ses pieds

— Mon oncle, pourquoi c'q...

— Pardon ?

— Pourquoi est-ce que ?

— Très bien !

— Pourquoi est-ce qu'il y a encore de grosses, de très grosses bêtes dans la mer, et qu'il n'y en a plus sur terre ?

— Je ne comprends pas.

— Ça devrait pourtant te crever les yeux ! Dans la mer il y a toujours des baleines. C'est énorme, les baleines. Ça a vingt mètres, trente mètres de long : tu n'as qu'à aller voir celle qui est empaillée au Jardin des Plantes, sous un toit de zinc qui n'en finit pas, devant le laboratoire de ton ami, M. Chevalier... Eh bien, avant, il y avait des bêtes aussi grosses que ça sur terre : le diplodocus, par exemple, qui est aussi au Jardin des Plantes, en squelette, parce qu'il est mort depuis longtemps, longtemps. Et maintenant, il n'y en a plus...

— Il y a l'éléphant.

Boulot hausse les épaules.

— C'est tout petit un éléphant !... Je veux dire tout petit en comparaison d'une baleine. Si encore il restait des mammouths ! Les mammouths c'étaient des espèces d'éléphants, mais poilus, tout poilus, avec des défenses enroulées comme des cors de chasse — regarde dans la Terre avant le déluge, de M. Figuier — et bien plus gros. Ça, au moins, c'était sérieux... Mais il n'y en a plus, tu sais bien !... On ne les retrouve que crevés, tout à fait crevés, au Kamtchatka, conservés dans la glace depuis vingt mille ans, c'est aussi dans M. Figuier. Peux-tu m'expliquer ?...

— Ah ! voilà !... c'est que le mammouth a été moins intelligent que la baleine.

— Moins intelligent ? Je croyais pourtant que c'était très intelligent, les éléphants. Alors les mammouths, qui étaient bien plus gros, devaient être encore plus malins !

— Eh bien, non ! C'est la baleine qui l'a été. Le mammouth pas. Ecoute !

» Ça remonte, comme tu dis, à une vingtaine de mille ans. A cette époque la terre avait déjà à peu près la figure qu'elle a maintenant, sauf qu'elle était à moitié couverte de glaces... C'est pour ça qu'on appelle ce moment-là l'époque glaciaire... Les banquises du pôle dégringolaient presque jusqu'en Autriche, et les glaciers des Alpes presque jusqu'à moitié route de la Méditerranée. Sans compter d'autres glaciers en Auvergne, dans les Pyrénées et un peu partout.

» Ça n'empêchait pas les mammouths de vivre très heureux, dans les endroits où il n'y avait pas de glaciers. Du reste, comme tu viens de le dire, ils avaient pris la précaution de se laisser pousser une bonne fourrure bien chaude sur le corps. Et ils se considéraient comme les rois de la terre, à cause de leur faille et de leur nombre... Quand, ils rencontraient un bison, peuh ! ils s'asseyaient dessus, et il n'y avait plus de bison.

» En été, les glaciers reculaient ; ils fondaient, et, les rivières qui en sortaient se remettaient, à couler vers la mer, en France du moins, à peu près jusqu'à leur embouchure actuelle. Le roi des mammouths, qui habitait Paris, naturellement, ou, si tu veux, la place où est maintenant Paris, mais qui a toujours été considérée, depuis le commencement des commencements, comme la capitale du monde, le roi des mammouths suivit le cours de la Seine en arrachant sur sa route un tas de grands arbres dont il faisait sa nourriture, feuilles et branches, ne laissant que le tronc... Pour dessert, il cueillait des noisetiers. Il les mangeait tout entiers, mais, comme les noisettes étaient mûres, ça avait tout de même le goût de noisette.

» C'est comme ça qu'il arriva dans les environs de Rouen. Il avait l'intention d'aller jusqu'à la mer, pour prendre des bains de mer, mais il était un peu fatigué. Et comme il avait chaud, il pensa qu'il pouvait toujours, en attendant, prendre un bain de Seine. Donc il descendit dans la rivière, pompa de l'eau avec sa trompe, comme c'est l'habitude chez tous les animaux qui ont l'avantage d'avoir une trompe, et se mit à s'arroser le dos.

Pierre Mille - Comment la baleine perdit ses pieds (1926)

» Et, voici qu'à ce moment, ce moment d'entre les moments, arriva la baleine, la reine des baleines, sur ses pieds.

» — Sur ses pieds ? Les baleines n'ont pas de pieds, voyons !

» — A cette époque elles avaient des pieds. Tiens, des pieds presque comme les hippopotames qui vivent pourtant aussi dans l'eau. Si tu étais capable d'un peu de réflexion, tu concevrais que c'est tout naturel, qu'il a dû en être ainsi, puisque les baleines sont des mammifères, qu'elles font leurs petits à la manière de tous les mammifères et qu'elles les nourrissent avec leur lait. Or, tous les mammifères ont des pieds, ou devraient en avoir. Les phoques en ont toujours, à moitié changés en nageoires.

» — Bonjour, roi des mammouths ! fit la baleine, poliment.

» — Bonjour, reine des baleines, répondit le mammouth avec courtoisie.

» — Est-il permit de vous demander ce que vous faites là ? demanda la baleine.

» — Vous le voyez, je prends une douche.

» — Ah ! C'est bien commode, d'avoir un nez comme le vôtre pour ça !... Justement, à moi, mon médecin m'a recommandé les douches d'eau douce.

» — A votre service, reine des baleines, fit le mammouth en l'aspergeant... A moi, mon médecin m'a recommandé les douches d'eau salée. Est-ce que c'est loin, encore ?

» — Assez loin. Mais, s'i vous consentez à accepter ma compagnie, je me ferai un honneur de vous montrer la route. Je vous dois bien ça, après le service que vous venez de me rendre.

» — Nous irons par terre, ou par eau ? demanda le mammouth, hésitant un peu.

» — Par terre, ou par eau. Mais par eau j'irai beaucoup plus vite : j'ai des jambes, comme vous voyez, mais un peu gourdes.

» — C'est que moi, observa le mammouth, moi, c'est le contraire.

» — Je ferai ce que vous voudrez !

» — Non pas. C'est à moi...

» Mais comme ils poursuivaient cet assaut de galanteries, s'approcha de la rivière un couple de petits animaux singuliers, d'apparence, d'ailleurs, assez méprisable. Ils marchaient sur leurs pattes de derrière, chose tout à fait insolite et disgracieuse, et leurs deux autres pattes se terminaient par des mains, à la façon des singes. La femelle s'en servait pour porter un vase fait d'une calebasse vidée de sa pulpe, qu'elle remplit en la plongeant dans le fleuve. Le mâle tenait un long bâton mince au bout duquel s'effilait une pierre pointue.

» La baleine plongea brusquement dans la Seine. Le mammouth demeura sur le bord, bien droit, bien fier, bien tranquille. Le mâle du couple qui venait d'apparaître dit à sa femelle quelque chose que le mammouth ne comprit pas. Mais je vais te dire ce que ça voulait dire :

« Quand les camarades seront arrivés, on pourra faire bonne chasse, dans ce pays-ci ! Pour le moment. partons sans les effrayer. »

» — Ils ne sont plus là ? demanda la baleine, sortant de l'eau son gros nez.

» — Non, fit le mammouth, ils ne sont plus là. Mais pourquoi as-tu si peur ? Je tuerai vingt de ces espèces de singes, qui sont très laids, avec un seul de mes pieds, d'un seul coup.

» — Ce sont des hommes ! dit la baleine. Des hommes !

» — Bien heureux de savoir leur nom. Et puis après ?

» — Ce n'est pas toi qui les tueras. C'est eux qui te tueront. Tu ne les connais pas. Ils tueront tous les animaux qui vivent sur la terre, ou les réduiront en esclavage — pour les tuer un peu plus tard, du reste !

» — Bah ! fit l'immense mammouth avec dédain, balançant sa trompe.

»— Sur mer, dans la mer, continua la baleine, nous serons mieux à l'abri, nous aurons dix ou quinze mille ans de répit. Je ne quitterai plus la mer. Viens avec moi !

» — Jamais de la vie ! répliqua le mammouth, je nage trop mal, avec mes grosses jambes !

» — Tu les perdras, ou du moins tes descendants les perdront. Elles se changeront en nageoires. C'est ce qui commence à m'arriver. Ta race y mettra le temps qu'il faut. Mais viens ! Hors de là, pas de salut, plus les animaux seront gros, et plus les hommes prendront plaisir à les détruire !

» Le mammouth ne voulut pas la croire, et les hommes ont tué tous les mammouths. La baleine, dans la mer, a fini de perdre ses pieds, mais elle a survécu. »

Pierre Mille.

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