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Amicale des Amateurs de Nids à Poussière

Amicale des Amateurs de Nids à Poussière

Le Blog de l'Amicale Des Amateurs de Nids À Poussière (A.D.A.N.A.P.) est un lieu de perdition dans lequel nous présentons revues, vieux papiers, journaux, ouvrages anciens ou récents, qui s'empilent un peu partout, avec un seul objectif : PARTAGER !

Publié le par Fabrice Mundzik
Publié dans : #ArchéoSF, #Philippe Ethuin, #Le Journal, #Serge Hyb, #Anticipation Ancienne, #H.-G. Wells, #Terre creuse, #Aviation, #Savant, #Experiences

"Troglodytes parisiens", de Serge Hyb, fut publié dans Le Journal n°16170 du 25 janvier 1937.

Les deux illustrations qui accompagnent le texte ne sont pas signées.

 

A lire aussi :

Victor Méric - Choses en l'air (1924)

... ainsi que Paris Futurs, petite anthologie rétrospective des Paris du futur concoctée par Philippe Ethuin (ArchéoSF) : Paris Futurs : petite anthologie rétrospective.

Serge Hyb - Troglodytes parisiens (1937)

Serge Hyb - Troglodytes parisiens (1937)

Quand on nous parle d'un « Paris souterrain », nous pensons tout de suite au métro, aux égouts, aux canalisations, à tous les fils, à toutes les ramifications de l'immense toile d'araignée qui s'étend sur des kilomètres carrés au tréfonds du sous-solde la capitale. Que de nouvelles « voies abritées » telles que les passages souterrains du pont d'Iéna, des portes Dauphine et Champerret aient pu se glisser, sans dommages, parmi le monde invisible des tunnels et des « caves » de Paris, voilà qui est miraculeux.

Dès lors qu'y a-t-il à retenir des élucubrations de ce groupe d'architectes urbanistes qui prétendent soumettre bientôt à l'attention des autorités et du public une maquette du « futur Paris souterrain » ? Il ne s'agit nullement d'une anticipation à la Wells, mais bien d'un projet — et d'un projet sérieux — pour la construction d'autostrades en profondeur et d'abris contre le danger aérien.

Nos architectes ne sont pas des utopistes. Ce sont tout au plus des audacieux. Ils savent parfaitement que le premier sous-sol de Paris est inutilisable — et pour cause. Alors, ils creuseront. Ils creuseront jusqu'à cinquante, quatre-vingts, cent mètres au-dessous du niveau de la terre.

L'ambition a changé de devise. On ne dit plus : « Quo non ascendam ? » mais : « Jusqu'où ne descendrai-je pas ? » En l'occurrence, il faudra descendre jusqu'aux enfers, ou presque, car une bonne partie du sous-sol est occupée, comme nous le faisions justement remarquer plus haut, par le réseau des égouts, celui du Métropolitain, par les anciennes carrières et d'innombrables conduites d'eau, de gaz et d'électricité. Qu'à cela ne tienne ! Nous aurons notre place à l'ombre. Et dans quinze ans, dans dix ans peut-être, nous nous promènerons à travers une citée souterraine modèle, à trois cents pieds au-dessous du plancher des vaches.

Souriante perspective, en vérité ! Le cercle se referme et l'humanité revient à l'âge de pierre. Après deux mille ans, notre magnifique civilisation nous ravale au rang des troglodytes. Comme nos lointains ancêtres, nous cherchons la sécurité, le bonheur et la paix dans les profondeurs de la terre. Comme eux nous pensons qu'il n'est point de plus sûre retraite, de meilleur moyen de défense contre nos ennemis du dehors...

Serge Hyb - Troglodytes parisiens (1937)

Imaginez la vie que mèneront les Parisiens de 1950 — et nous serons de ceux-là si Dieu le veut ! — la douce existence qui sera celle des citadins, condamnés à ramper dans des trous de taupe, à se chauffer au soleil des sunlights et à respirer de l'air ozonisé, fabriqué en turbines ! Car les autoroutes souterraines et les abris ne sont qu'un début, une première étape vers la réalisation de la ville en profondeur. Autour de ces refuges, le long de ces rues éclairées a giorno fleuriront d'abord des panneaux de publicité, puis des magasins, enfin des cinémas, des hôtels, des restaurants, des dancings.

En vertu du dicton : « Il n'y a que le premier pas qui coûte », on verra s'étendre en long et en large la monstrueuse cité troglodytique. Et, peu à peu, les gens s'habitueront à ce nouveau modus vivendi. Le dimanche, on remontera, en famille, à la surface, histoire de voir le temps qu'il fait là-haut...

Bien entendu, tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes souterrains. C'est-à-dire que l'artifice y atteindra un degré de perfection inusité. La lumière s'y révélera riche en rayons ultraviolets, l'air y sera, comme on dit, « conditionné », et la température maintenue, en toutes saisons, aux environs de 15° centigrades.

C'est de la folie, dites-vous ? Nos grands-parents supposaient- ils qu'on pût, un jour, percer le mystère de la stratosphère et voler, en avion, de Paris à Tokio en moins de quatre jours ? Croyez-vous qu'il soit plus déraisonnable d'entrevoir une vie future installée dans les entrailles de la terre ?

Il faut croire, au contraire, que ce projet a des chances d'aboutir, et avant longtemps, puisque le Conseil municipal lui-même en entreprend dès maintenant l'étude... approfondie. Les « grandes voies souterraines » entrent, de ce fait, dans le domaine des réalités virtuelles, si je puis m'exprimer ainsi, et nous ne serions pas autrement surpris que Paris fût, dans quelques années, la première ville du monde à posséder un réseau d'artères infraurbaines.

Le plus drôle, c'est que, le moment venu, vous trouverez encore des gens pour vanter les prodiges de la technique moderne et que, parmi ces fous, figurera sans doute, en bonne place, le signataire de ces lignes.

SERGE HYB.

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