Cet article, signé H. W. Mayer — Professeur à l'Observatoire de Mount Wilson, fut publié dans Paris-soir du 17 mars 1937.
La Une du journal annonce :
Le mois prochain la première fusée vers la lune sera lancée grâce à Lindbergh et au professeur Goddard
A une vitesse moyenne de 380 kilomètres à l'heure elle doit atteindre le plafond des 22.000 mètres sans difficultés. Ensuite ce sera le bond dans l'inconnu.
Nous sommes enfermés sur notre terre et n'en sortirons jamais, avait dit un physicien anglais Davis. Aussi haut que l'on puisse monter, aussi vite que l'on puisse voler, l'on doit toujours retomber sur notre Terre, semble-t-il...
On a bien envisagé un instant que lorsque l'on dépasserait le 1.400 à l'heure en avion, l'on pourrait alors s'évader de la sphère d'attraction de la Terre. Hélas, il est fort probable que l'on aura encore bien des difficultés à vaincre avant de pouvoir atteindre cette vitesse qui nous libérerait des lois de la gravitation universelle.
Cependant le désir de nos physiciens d'envoyer « quelque chose » hors de notre terre a toujours été grand et il est certain que cette année, ils vont réussir à réaliser cette prévision de Jules Verne.
Quinze ans de recherches
La question du carburant à employer dans le moteur de cette fusée fit l'objet de la part du professeur Goddard de recherches qui durèrent plus de quinze années.
Enfin, il parvint à équilibrer sa fusée de manière que celle-ci n'ait aucune perte de vitesse lorsqu'elle atteindrait la limite de la zone soumise à l'attraction universelle.
Mais, il fallait ensuite monter une tour de tir fort coûteuse et ce fut grâce au colonel Lindbergh et à l'institut Carnégie qui, à eux deux, partagèrent les frais Et l'on put ainsi monter à Bosswel [il s'agit de Roswell, bien évidemment, camouflé sous une triple coquille ! Encore un coup des Sélénites !], New-Mexico, une tour ou plutôt deux, l'une de dix-huit mètres de haut destinée au lancement de la fusée, l'autre de six mètres seulement qui sera aménagée en observatoire afin de suivre la trajectoire de cet « obus » qui doit bombarder la lune.
La fusée interplanétaire contiendra en son centre un gaz qui sera comprimé à plus de cent trente atmosphères et qui lors de la projection sortira par un orifice à plus de quinze cents mètres à la seconde.
Il n'y aura donc pas d'explosion proprement dite, car le gaz, en s'enfuyant, ne laissera percevoir qu'une petite traînée incandescente.
Afin d'entretenir dans cette fusée un poids constant et surtout pour obvier à une perte de poids provoqué par l'échappement du gaz, un gyroscope actionné par la même pression servira en quelque sorte de stabilisateur. Il sera semblable à ceux que l'on a déjà disposé dans les avions pilotés à distance par T. S. F. ou dans certains racers nautiques où ils servent à maintenir l'équilibre.
Le secret du professeur Goddard
Le carburant employé dans la fusée interplanétaire est évidemment le secret du professeur Goddard. Cependant, l'on peut remarquer que l'alimentation de cette fusée ne doit guère pouvoir être possible que lors de la traversée de notre atmosphère, ensuite la fusée devra garder, comme tend à le prouver sa vitesse acquise et sa direction initiale si elle veut... atteindre la lune.
Ce travail du professeur Goddard, dans son laboratoire de Boswell [sic] est une chose magnifique lorsque l'on pense qu'il y a quelques années à peine, il ne pouvait atteindre avec sa fusée la vitesse des avions records.
Il fut longtemps découragé. Seul le colonel Lindbergh vint, en lui rendant visite, l'assurer que la fusée était bien le seul moyen pour atteindre son but. Par trois fois, le professeur Goddard demanda à Lindbergh s'il n'envisageai pas que l'aviation seule permettrait une semblable entreprise, mais toujours Lindbergh le déconseilla et voici qu'une fois de plus, il vient de prouver que son sens aérien avait raison même des calculs mathématiques.
Quoique la première projection d'une fausse fusée n'ait permis d'atteindre qu'une hauteur de 2.250 mètres sur la verticale, les calculs permettent d'assurer que la vraie fusée pourra atteindre le plafond des 22.000 mètres sans difficulté et à une vitesse moyenne de 880 à l'heure.
Évidemment, après le premier tir « hors de terre », d'autres expériences seront tentées pour atteindre telle ou telle planète et, si possible, observer les effets de ce bombardement.
Mais le professeur Goddard attendra certainement le retour de Lindbergh aux États-Unis pour, la première fois depuis que il monde existe, jeter hors de terre un projectile fabriqué par les hommes.
Le 22 avril 1937, un engin du type L-B fut propulsé à... 2000 mètres pour un vol d'une durée de 21,5 secondes !
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sans oublier les différentes aventures de Cyrano de Bergerac !
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... ainsi que sur le Blog dédié aux frères J.-H. Rosny (pour mémoire, J.-H. Rosny aîné est l'inventeur du mot "astronautique") :
Alexandre Ananoff "Plaidoyer pour L'Astronautique" (1945)
Interview d'André Hirsch sur Robert Esnault-Pelterie (14 mai 1959)
Bibliographie : J.-H. Rosny aîné "Les Navigateurs de l'infini & Les Astronautes"
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