T.S.F.
La nuit ; un poste d'écoute ; mais cette fois, dans la douceur de notre « chez nous » — la douceur de ta tête blonde penchée, et du bleu pâli de tes yeux où ton regard parti tout là-bas n'est que transparence.
Comme des vagues sur un rivage, tous les rires, tous les sanglots, toutes les étreintes viennent mourir ce soir, dans notre demeure.
Par dessus les mers, par dessus les montagnes, les trains d'onde bondés de chansons se succèdent à la vitesse de 300,000 kilomètres à la seconde ; sur ce globe trop petit, les chansons n'ont pas eu le temps de se mettre en route, qu'elles sont déjà revenues à leur point de départ.
(Si nous pouvions faire battre notre cœur en mesure, que d'amour il y aurait par toute la terre !).
Qui me parle ? Je ne comprends pas cette langue, et cependant je suis ému, j'écoute une voix humaine.
Un boston enlace, entrelace et délace des couples. Je goûte à la volupté qui s'inscrit dans la lenteur savante de leur pas, la cambrure de leurs reins, l'envol de leurs bras.
Ombre d'un gratte-ciel new-yorkais, caresse lumineuse de la baie de Buenos-Aires, brouillard londonien, givre de Leningrad, lequel d'entre vous se penche sur les fenêtres du dancing, qui me jette au visage des bouffées de son jazz mélancolique ?
Est-ce possible que je sois devenu le centre du monde ? quelle grâce Seigneur ! de m'avoir donné, où que je sois, de tels liens avec tous les hommes, mes frères !
Et tout à l'heure, quand je m'endormirai, je ne pourrai pas chasser de mon esprit cette vision : ces milliards de trains d'ondes à travers l'espace, lancés vertigineusement, s'entrecroisant par toute la planète, à laquelle ils tissent inlassablement un réseau invisible et merveilleux, où je suis pris, comme une mouche dans une toile d'araignée.
Marcel PÉRIN.
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