Charles Collomb - Un Cauchemar : La planète Mars (1909-1910)
Peut-on communiquer avec Mars ? Le grand astronome Flammarion révèle son opinion (1920)
Raphael Diligent - Une excursion en Mars (1923)
Anonyme - La Réponse des Marsiens (1928)
Marcel Boll - Mars, notre voisine, est-elle habitée ? (1932)
CHEZ NOS VOISINS
Le besoin se faisait probablement sentir de revenir encore une fois sur la question de l'habitabilité des mondes nos voisins, nos voisins d'un peu loin il faut le reconnaître. Chaque année, à semblables époques, il y a des gens pour lesquels ce problème, probablement à jamais irrésoluble, est un sujet de récréation, et surtout de suppositions, toutes plus fantastiques les unes que les autres. Les revues anglaises, à ce que l'on nous dit, sont en ce moment pleines de révélations extra curieuses sur nos contemporains de la planète Mars.
Autre part, c'est la Lune que l'on prend à partie. La lune prête moins, à la vérité, à ces sortes d'amusements. De mémoire de télescope, nul n'y vit que des cratères dénudés et pas l'apparence d'une atmosphère quelconque pouvant permettre la vie.
Songeons tout d'abord à Mars. Il est entendu que ce n'est que par simple curiosité. Qui donc pourrait vérifier, à quatorze millions de lieues de distance, possédât-il la plus impeccable des lunettes, si ce que l'on met sur le compte des prétendus Martiens est ou non réel ? Un mot de la planète avant tout. Le diamètre de Mars est à peu près moitié de celui de la Terre. Il possède deux petits satellites, Phobos et Deimos, qui trottent autour de lui à des vitesses vertigineuses. Vu aux instruments grossissants, on constate que Mars est entouré de nuages. Il a donc une atmosphère et de l'eau. On peut vivre chez lui. Mars a deux pôles, dont les glaces s'allongent en hiver comme les nôtres, et donnent peut-être lieu à des expéditions semblables à celles de Nansen et d'Andrée. Qui sait !
C'est dans ce petit monde qu'un des écrivains anglais, dont nous parlions plus haut, place des citoyens à l'aspect quelque peu étrange. Nous allons en donner la description. Disons cependant que cette conception n'est peut-être pas très neuve. Quelque chose nous dit, dans nos souvenirs de lectures, qu'on en trouverait peut-être les rudiments dans Rabelais, ou dans Shakespeare. Nous vérifierons un jour ; dans tous les cas, voici le portrait du Martien dernier modèle, coupe anglaise :
Les habitants actuels de la planète Mars ont d'énormes corps ronds, ou plutôt ils ont pour corps d'énormes têtes rondes d'environ quatre pieds de diamètre, avec un visage au milieu. Ce visage n'a pas de nez, mais une paire de gros yeux de couleur sombre et, immédiatement sous les yeux, une sorte de protubérance charnue.
A l'arrière du corps se trouve l'oreille. La bouche est entourée de seize tentacules effilés, semblables à des fouets. Mais l'organe principal, chez ces êtres bizarres, est le cerveau, envoyant des nerfs énormes vers les yeux, les oreilles et les tentacules du toucher. La bouche s'ouvre directement sur les poumons, mais l'appareil digestif manque tout à fait. Les Martiens ne mangent pas et, par suite, n'ont pas besoin de digérer. Ils se bornent à prendre le sang de créatures vivantes et à se l'injecter dans les veines. Ils ne dorment pas non plus, ne portent pas de vêtements et n'ont pas de sexe. Ils se reproduisent comme les fleurs, par bourgeonnement.
Si vous ne vous déclarez pas satisfait avec cela, c'est que vous serez fort difficile.
L'écrivain anglais, lui, ne s'est point trouvé suffisamment renseigné. Il s'en est allé interroger un médium, qui a évoqué, toujours à travers les quatorze millions de lieues qui nous séparent de nos voisins, l'aspect d'un Martien. Ce dernier avait là une excellente occasion de tracer un portrait flatté de ses compatriotes. Il n'y a pas manqué. Jugez-en, en notant que ces êtres étranges évoluent dans une atmosphère d'un magnifique bleu brillant.
Les Martiens ne mangent pas de nourriture animale : ils se servent du mammouth comme de bête de somme. Leurs chevaux sont d'une teinte violette. Leurs vaches, toutes petites, n'ont qu'une seule corne sur la tête. Ils tirent leur laine de la toison d'un animal qui ressemble au produit du croisement d'un mouton et d'une chèvre. Ces braves gens mangent du poisson, mais fort peu de pain. Ils excellent à produire artificiellement la pluie et sont adonnés à un culte très analogue à notre spiritisme. Tout, chez eux, est plus petit que sur notre planète, à l'exception de la durée de la vie, qui atteint une moyenne de cent soixante ans. Ils ont la propriété de voir dans les ténèbres. Ils savent aussi voler dans les airs, mais pas à de très longues distances. Ils glissent sur l'eau comme s'ils marchaient. Toute guerre a été abolie sur leur planète. Leur gouvernement est une théocratie. La planète est divisée en douze États, chacun régi par un chef qui reçoit directement l'inspiration du monde des anges. Ni propriété individuelle, ni argent. Les villes s'appellent des familles, ou des confréries. Il y a une foule de fabriques, mues par le flux et le reflux, infiniment plus fréquent que sur notre planète.
Bien entendu, nous ne devons prendre que pour autant de sornettes les jolies élucubrations qui précèdent. Certes, Mars peut-être habité et même habité par des êtres peu différents de ce que nous sommes, puisque nous savons scientifiquement que dans sa composition entrent les éléments constitutifs de la vie, l'eau en tête.
Et non seulement Mars, mais des milliers et des milliers d'autres mondes qui gravitent dans l'infini, tout comme nous roulons autour du soleil, l'une des étoiles de l'immensité. Mais de là à construire de toutes pièces des monstruosités que l'ont vient nous présenter, hommes ailés, volant comme des chauves-souris, ou hommes ronds comme de gigantesques fromages de gruyère, il y a loin.
Cette question de l'habitabilité des mondes a soulevé aussi, en certains moments, celle de l'habitabilité de la Lune. Cyrano rendit fameux les habitants de notre satellite (1). On s'en est occupé récemment encore. Le dernier annuaire du Bureau des longitudes, qui vient de paraître, renferme sur ce sujet une notice très savante de M. Maurice Loewy, l'éminent directeur de l'Observatoire de Paris, et de M. Puiseux.
MM. Loewy et Puiseux, qui ont obtenu d'admirables photographies directes de la Lune, connaissent sa surface, la surface visible du moins, dans ses moindres aspects.
« On ne saurait imaginer, disent en guise de conclusion les deux savants, de milieu plus défavorable pour la vie ; et comme les formes organisées, même les plus rudimentaires, manquent sur la Terre aux grandes altitudes, il est impossible de concevoir celles qui pourraient s'adapter à la Lune dans son état présent. » Et, plus loin : « La Lune nous apparaît comme un monde frappé d'un arrêt prématuré dans son développement, fixé sous sa forme définitive, et devenu spectateur immuable de nos agitations. »
Il n'y a donc point d'habitants sur la Lune ; il y en a très probablement sur, Mars. C'est tout ce que 1'on sait, et probablement tout ce que l'on saura jamais.
(1) A propos de Cyrano de Bergerac, lire :
Pierre de la Batut - La vraie mort de Cyrano (1916)
V. L. - Cyrano à Verdun: Monologue (1916)
Pierre de la Batut - Le Premier duel de Cyrano (1917)
Aventures prodigieuses de Cyrano de Bergerac par Henriot, un récit aux imageries d’Épinal.
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