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Amicale des Amateurs de Nids à Poussière

Amicale des Amateurs de Nids à Poussière

Le Blog de l'Amicale Des Amateurs de Nids À Poussière (A.D.A.N.A.P.) est un lieu de perdition dans lequel nous présentons revues, vieux papiers, journaux, ouvrages anciens ou récents, qui s'empilent un peu partout, avec un seul objectif : PARTAGER !

« Un Vice nouveau » (« La Machine à fabriquer des Rêves » n'est que le sous-titre), de Clément Vautel, fut publié en juillet 1909, aux éditions G. Vasseur. Un long extrait est paru dans La Pensée moderne dans les lettres et dans l'art nº 3 du 15 août 1909.

Ce roman fut réédité sous le titre La Machine à fabriquer des rêves, aux éditions Pierre Lafitte, dans la collection Idéal Bibliothèque, en 1923.

En voici deux critiques.

La première, signée X. P., est parue dans la rubrique « Les Nouveaux livres » de Le Mois littéraire et pittoresque nº 131 de novembre 1909 :

Le livre n'est pas ce qu'on pense. Bien plus, c'est une honnête satire. Le professeur Lessna a inventé une machine qui lui permet de provoquer le rêve à volonté. L'État voit tout le parti qu'il peut tirer de cette invention, et entreprend d'exploiter lui-même la machine à fabriquer les rêves.

Les municipalités installent donc des dortoirs républicains placés sous le vocable de Gambetta, Hugo, Michelet, et ces dortoirs servent à la propagation des idées gouvernementales. Et un jour arrive où tous les Français, sous l'action de la machine à fabriquer les rêves, sont tombés dans l'hébétude.

Le gouvernement avait unifié les rêves., Tandis que l'Europe se penchait sur elle, la France, toute à ses mirages, dormait. Clément Vautel a mis dans son œuvre tout son esprit ingénieux, toute sa folle fantaisie.

Et il a su — là gisait la difficulté — conserver à l'aventure du professeur Lessna et de sa machine l'intérêt soutenu qui sert à conduire le lecteur amusé jusqu'au bout.

Ce roman original et vivant est au fond un livre excellent.

Clément Vautel - Un Vice nouveau : La Machine à fabriquer des Rêves (1909)

Clément Vautel - Un Vice nouveau : La Machine à fabriquer des Rêves (1909)

La seconde, d'Étienne Charles, est parue dans la rubrique « Chronique des Lettres » de La Pensée moderne dans les lettres et dans l'art nº 4 du 15 octobre 1909 :

Sous cette forme alerte, rapide, légère, et joyeusement ironique que connaissent bien et qu'ont si souvent appréciée nos lecteurs, notre spirituel collaborateur Clément Vautel traite un sujet au fond extrêmement sérieux, le goût, la passion, la manie de la politique, qui est l'une des plaies de ce temps, et les effroyables ravages que ce grand mal moderne fait dans l'esprit des Français.

La politique, tel est le vice nouveau qui a donné son nom au roman de Vautel.

Le héros d'Un Vice Nouveau, le savant professeur Lessna, a inventé une machine qui lui permet de provoquer à volonté le rêve, et le rêve qu'il lui plaît de donner. Il a cru sincèrement que sa géniale découverte assurerait le bonheur de l'humanité. Hélas ! elle fera son malheur. Il a pensé être le bienfaiteur des hommes et, au contraire, ils lui devront une infortune singulière.

Car, voyant tout le parti que l'État pourrait tirer de son invention, « la machine à fabriquer les rêves », le gouvernement a entrepris de l'exploiter pour son compte. Le professeur Lessna est devenu le directeur général des rêves de France.

« Pour faire savourer ces rêves gratuits aux populations, les municipalités installaient d'immenses « dortoirs républicains » placés sous l'invocation de Gambetta, de Michelet, de Victor Hugo... Ces dortoirs servaient à la propagation des idées gouvernementales. Car les rêves fabriqués par les machines étaient le plus souvent politiques.

« Des écrivains, des journalistes imaginaient, aux frais de l'État, des songes où l'opinion régnante s'épanouissait en d'éblouissantes apothéoses. C'est M. Viviani qui écrivit le scénario du Bonheur démocratique, un des rêves le plus souvent propagés dans les dortoirs républicains ; M. Jaurès, toujours fécond, nous donna l'Avenir, les Moissons du genre humain, l'Éden, la Ville des joies, l'Humanité fraternelle et nombre d'autres rêves idylliques et socialistes. »

Un jour est arrivé où tous les Français, sous l'action de la machine à fabriquer les rêves, sont tombés dans une sorte d'hébétude quasi mortelle, comme dans les Animaux malades de la peste :

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ;

On n'en voyait point d'occupés

A chercher le soutien d'une mourante vie.

A la fin, le gouvernement avait unifié les rêves et, par le rêve, assuré cette unité morale qu'un certain parti voudrait réaliser dans notre pays. Tous les Français rêvaient et tous, grâce à la machine du professeur Lessna faisaient le même rêve :

« Rien ne parut plus désirable de ce qu'on pouvait toucher, saisir, posséder véritablement, avec ses sens. L'irréel seul séduisait, parce qu'il s'offrait, dans les rêves de tous, avec d'incomparables perfections. On se détacha bien vite des jouissances matérielles : la France devint pareille à ces opiomanes qui ne mangent plus, ne boivent plus, n'aiment plus, ont aboli en eux les plaisirs sensuels parce qu'ils trouvent les suprêmes joies dans les paradis artificiels. »

Toute la France ne faisait plus que de la politique et faisait de la politique selon les désirs et les intérêts du gouvernement.

« La France vit renaître cet âge d'or qu'on croyait révolu. Pareille à l'ancienne Rome qui ne demandait que du pain et des jeux, elle ne réclamait plus que du pain et des rêves.

« Et tandis que l'Europe, curieuse, se penchait sur elle, la France, toute à sa fiction, à ses mirages, dormait. »

Mais des hommes qui avaient réussi, en se servant d'un isolateur, à se soustraire à l'action funeste de la machine à fabriquer les rêves et qu'on appelait « les cerveaux libres » sont venus et, malgré la masse des Français qui ne voulaient pas être tirés de leur léthargie, ils ont brisé l'engin de mort. La France, alors, s'est réveillée.

Ce roman symbolique est d'une invention particulièrement originale, où Clément Vautel a déployé toute sa fantaisie et toute son ingéniosité. La fiction se présente sous un air de vraisemblance, que l'auteur a su lui garder jusqu'au bout avec une gravité remarquable, en faisant, dans son conte, intervenir des personnages réels et en le situant dans les milieux parisiens les plus vrais.

Enfin, l'aventure du professeur Lessna et de sa machine est curieuse, émouvante, dramatique, angoissante même. Le lecteur aura donc grand plaisir, comme disait Rabelais, à « rompre l'os et sucer la substantifique moelle. »

A lire aussi :

La mort de Jules Verne, par Clément Vautel pour la Vie Illustrée Mars 1905

Clément Vautel - Sherlockomanie (1908) / Holmès, Barbusse et Catulle (1935)

Clément Vautel - Entre nous (1938)

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