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Amicale des Amateurs de Nids à Poussière

Amicale des Amateurs de Nids à Poussière

Le Blog de l'Amicale Des Amateurs de Nids À Poussière (A.D.A.N.A.P.) est un lieu de perdition dans lequel nous présentons revues, vieux papiers, journaux, ouvrages anciens ou récents, qui s'empilent un peu partout, avec un seul objectif : PARTAGER !

Publié le par Fabrice Mundzik
Publié dans : #Thomas Grimm, #Le Petit journal, #Astronautique, #Astronomie, #Mars, #Camille Flammarion, #Jonathan Swift, #Lune

« La Vie sur les planètes », signé Thomas Grimm, est paru dans Le Petit journal du 4 juillet 1900.

La Vie sur les planètes

Un de nos savants, M. Mercier, dont maints travaux attestent l'érudition scientifique, entreprend une croisade pour établir des communications entre la Terre et la planète Mars.

Des observations faites depuis plusieurs années, ce savant, un de nos plus forts mathématiciens, a retiré l'intime conviction que Mars est habité par des êtres d'une intelligence au moins égale à la nôtre. Les canaux — ou du moins les longues raies blanches qui sillonnent symétriquement la planète, et qui, de l'avis de plusieurs astronomes, ont l'apparence de travaux... hydrauliques exécutés par des êtres supérieurs, sur un plan général, pour servir de voies de communications — ces canaux seraient la manifestation de l'intelligence des habitants de Mars. Dès lors, pourquoi ne pas entrer en relation, puisque la physique en met aujourd'hui, après tant de siècles écoulés, les moyens à notre disposition ? L'auteur de cette idée a entrepris une série de conférences afin de la développer, et il cherche a réunir une souscription qui lui permettra de la réaliser.

L'idée, en elle-même, n'est pas neuve. On a souvent parlé de vastes triangles lumineux que les Marsiens pourraient apercevoir et auxquels ils nous répondraient par des signaux analogues. Mais il y aurait mieux que ça à faire. Quoi ? On le saurait prochainement, et il n'y aurait pas impossibilité que nous parvenions à causer avec les Marsiens.

Je me garderais de préjuger d'une façon quelconque de la réussite ou de l'insuccès du projet, si tant est qu'il vienne à être mis à exécution. Ce que je veux en retenir — car c'est là son intérêt immédiat — c'est qu'il prétend établir, non plus par des argumentations scientifiques, mais par une démonstration en quelque sorte visuelle que les mondes autres que la Terre sont habités.

J'ai eu déjà l'occasion de toucher très incidemment à ce problème devant lequel notre imagination s arrête, prise de vertige. L'occasion m'est donnée d'en parler plus longuement, et je la saisis.

Après les ouvrages de Camille Flammarion : La pluralité des mondes habités et les Terres du ciel, il ne resterait plus guère à dire, si le sujet n'était pas aussi inépuisable que les mystères autour desquels ils roulent paraissent insondables.

À l'hypothèse très vraisemblable que les planètes de notre système solaire, que celles accompagnant d'autres étoiles que le Soleil sont habitées, on oppose généralement des objections tirées de leurs conditions plus ou moins différentes de celles de la Terre. Il y est répondu par la comparaison que voici, assez plaisante, sous sa forme d'apologue :

Des poissons de mer se trouvant à l'embouchure d'un fleuve causent entre eux. Le plus savant émet l'opinion approuvée par ses doctes collègues, que comme il n'y a pas de sel dans l'eau de ce fleuve il ne peut y avoir de poissons.

Eh bien ! pourquoi ne pas admettre — en continuant l'apologue — que malgré l'absence du sel, les planètes soient habitées, les organisations de leurs habitants pouvant être appropriées à leurs conditions quelque différentes qu'elles soient de la Terre.

Ces planètes ont leurs continents solides, leurs mers, leurs fleuves, leur atmosphère, et la vie peut y être développée comme sur notre globe, si ce n'est mieux. Seulement, ces continents peuvent être formés par d'autres corps que sur la Terre, l'eau de ces mers, de ces fleuves peut ne pas être du protoxyde d'hydrogène et leur atmosphère peut être constituée par d'autres gaz que les nôtres.

Mais les êtres vivants ne s'y développeront pas moins parfaitement, parce que leur sève, leur sang n'auront pas pour base le protoxyde d'hydrogène, mais la même combinaison chimique qui forme l'eau de ces planètes. De même leur respiration peut s'accomplir parfaitement dans leur atmosphère, différente, comme mélange gazeux, de la nôtre, parce que ces gaz sont parfaitement adaptés à la composition chimique de leurs corps, ou plutôt parce que la composition chimique de leurs corps est adaptée à leur atmosphère.

Sur la Terre elle-même, avant nos continents, nos mers, etc., actuels, n'y avait-il pas d'autres continents et d'autres mers ? La silice, par exemple, si répandue partout, n'était-elle pas liquide, et ne jouait-elle pas, dans l'organisme des êtres qui pouvaient vivre à cette époque, avant la solidification de la croûte terrestre, le rôle de l'eau dans notre organisme ? On ne peut pas assurer qu'il en ait été ainsi ; il est même probable que cela n'a pas été, mais enfin cela n'est pas impossible.

Au point de refroidissement où notre globe est arrivé, après avoir été incandescent, il y a des millions d'années, nous observons que la température de la surface varie, suivant les saisons, les latitudes et les altitudes d'environ 50 degrés au-dessous de zéro, au pôle Nord, à 50 degrés au-dessus aux Tropiques. Ces deux extrêmes de froid et de chaleur, l'homme peut les endurer en prenant des précautions. Il est évident que, avec son organisation actuelle, il ne pourrait pas vivre dans la température de 150 à 200 degrés de froid avec un maximum de chaleur de 30 à 50 degrés au-dessous de zéro, qui sera celle de notre planète quand son refroidissement sera complet, lorsqu'elle sera solidifiée jusqu'au centre et que le soleil aura lui-même perdu de sa puissance calorique. Mais comme cela n'arrivera que petit à petit, dans une centaine de millions d'années au plus tôt, les organisations actuelles de l'homme auront le temps de se modifier graduellement. On peut admettre que ces organisations auront tellement changé que la Terre sera habitée par des êtres pouvant vivre dans une température qui y rendrait aujourd'hui la vie impossible.

C'est pourquoi, des savants — en opposition avec l'opinion plus générale — sont convaincus que la vie existe sur la Lune, comme sur la Terre, malgré que notre satellite paraisse être complètement refroidi. A plus forte raison, peut-elle exister sur Mars, dont les conditions se rapprochent le plus des nôtres.

Et même, lorsque le soleil sera lui-même refroidi à son tour et par conséquent éteint, ce qui arrivera incomparablement plus tard que le refroidissement complet de notre globe, — mettons dans une centaine de trillions d'années, — lorsque notre monde sera alors plongé dans une nuit continuelle et soumis à une température partout et toujours égale de plus de 250 degrés de froid, la vie sera-t-elle, pour cela, éteinte ?

Flammarion, auquel il faut toujours en revenir quand il s'agit des mystères de la création a dit en parlant des autres mondes : « Là souffle un air qui n'est point terrestre ; là fleurissent des plantes qui ne sont pas des plantes ; là coulent des eaux qui ne sont pas des eaux. »

Allant plus loin que l'éminent vulgarisateur dans ces déductions, ne peut-on pas admettre que la puissance créatrice de la nature est infinie dans la variété des êtres fantasques auxquels elle donne, naissance, suivant les conditions qui distinguent déjà les uns des autres les mondes de notre famille stellaire, et que la vie une fois développée sur un corps céleste quelconque, comme elle l'est sur notre globe, cette vie ne peut s'éteindre et qu'elle ne peut finir, non pas avec le refroidissement, mais avec l'anéantissement complet du corps lui-même.

Nombre d'astronomes, de philosophes, de savants, ont, en résumé, cette conviction qui se répand peu à peu : à savoir que tous les mondes de l'univers sont ou seront habités.

Toutes les planètes de notre système solaire sont dans ce cas. Et parce que le volume de Mars est près de quatre fois moindre que celui de la Terre, ce n'est pas une raison de penser que ses habitants soient quatre fois moins intelligents que ceux de notre globe.

L'intelligence ne peut pas être en proportion du volume des mondes et du volume des êtres peuplant ces mondes.

Le moineau est plus intelligent que la baleine, et le requin est de beaucoup inférieur à la fourmi ou à l'abeille.

Swift avait bien raison en inventant, dans son ouvrage les Voyages de Gulliver, des hommes minuscules, les Lilluputiens, qui nous valaient bien comme intelligence et avaient les mêmes passions que nous, et des hommes géants (dans le pays, de Brobdingnag), qui n'étaient pas supérieurs aux hommes ordinaires.

N'est-il pas aussi remarquable qu'il ait deviné que Mars avait deux satellites et que leurs révolutions autour de la planète étaient très rapides (découvertes dont il faisait honneur aux astronomes imaginaires de l'île volante de Laputa), alors que nos astronomes n'avaient encore rien découvert.

L'imagination des romanciers et des poètes a quelquefois prévu la vérité et devancé la science.

Thomas Grimm - La Vie sur les planètes (1900)

Thomas Grimm - La Vie sur les planètes (1900)

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