Anonyme - Le Voyage à la Lune (1914)

« Le Voyage à la Lune », article non signé, est paru dans La Chronique du 6 mars 1914. [Merci Joseph Altairac, oeil de lynx !]

Le Voyage à la Lune

Quel  Jules Verne nous racontera l'histoire du premier « suraérien » ?

Le « suraérien » serait à l'aéroplane ce que le sous-marin est aux embarcations ordinaires. Il serait construit de telle sorte qu'on pourrait s'évader avec lui s de l'atmosphère terrestre et faire des excursions audacieuses dans l'infini !

Vous voyez ça d'ici. Une sorte de poisson-volant mécanique, pourvu de hublots, d'hélices et de tout ce qu'il faut pour affronter impunément les espaces où l'air respirable fait défaut.

Enfin, cela n'est pas totalement impossible. Avec une provision de chaleur solaire et d'oxygène. Après la télégraphie sans fil, il n'est plus permis de douter de rien.

Il serait assez plaisant d'imaginer la conquête de la lune.

L'Angleterre donnerait carte-blanche à la France, sous condition de lui abandonner la planète Mars, avec laquelle elle a un vieux compte à régler, depuis la « Guerre des Mondes », de Wells.

La troupe française débarquerait dans les volcans lunaires, le flingot au poing, le casque du scaphandrier bien vissé.

A la première halte, il rencontrerait un monsieur en chapeau tyrolien, avec une barbe rousse et des lunettes.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ?

Le monsieur saluerait poliment :

— Che zuis mossié Wolff, de l'agence Wolff, che vends des canons, des moutardiers, des brownings, des lunettes, des épingles de nourrice, des souliers américains et des étoffes imprimées « Made in Germany ». Y voyez-vous un inconvénient ? L'Empereur est prêt à envoyer un télégramme. »

Et une fois de plus, les Belges seraient dans leurs petits souliers. Car, comme l'histoire est un éternel recommencement, il n'y a aucun obstacle à ce que nous nous amusions à faire de l'histoire dans le futur.

Illustration : « Le nouvel armement de Mars », par J. Kuhn-Régnier, mars 1916.

Anonyme - Le Voyage à la Lune (1914)