Le Journal de Plouf, une famille à plumes pour les petits, 1956

Ce doit être le temps de canard qui veut ça, que d'eau, Plouf est entré par la grande porte ce matin, une boule duveteuse et dandinante, un peu empêtré dans son rôle de poussin à pattes palmées qui fait coin-coin et désespère parfois sa mère Poule. On se rappellera le Poudoncanoie paru en 1951 chez Gautier-Languereau, dans les mésaventures de ce caneton couvé par la poule, il est bien différent de son frère Cuic, un véritable poussin tellement plus conforme à ce qu'on attend dans la basse-cour. Mais là où la pauvre volaille chimérique est rejetée brutalement, Plouf bénéficie de l'amour maternel, exaspéré certes par les frasques du garnement, mais dévoué. Plouf a beaucoup d'idées, des compétences aussi pour les réaliser, lui sait nager et même voleter, des bêtises mais aussi des curiosités, et en fin de compte, un vrai désir de bien faire. Cuic, un rien suffisant et convenu, malgré son respect des obligations, n'en est pas moins un frangin affectueux. En somme, une famille monoparentale, deux enfants, et autour d'eux, un voisinage sympathique et tolérant. C'est étonnant de constater à quel point certaines situations familiales, racontées par le biais d'une poule et de ses deux œufs couvés, ne présentent aucune difficulté à être appréhendées dans les années 1950, car les histoires de Plouf eurent du succès, il vécut une cinquantaine d'aventures, et ce n'est pas tout...

Le Journal de Plouf, Aline Lecomte et Pierre Jodon - Editions de l'Occident 1956

La surprise est sans conteste la grâce et le charme de la revue. De belles compositions, des couleurs chatoyantes, de la fantaisie et des actions vives, c'est rond et c'est adorable. Les histoires sans être particulièrement originales dans le thème sont inventives, et dérapent parfois quand Plouf, englué de savon, s'envole dans les nuages malgré lui porté par les bulles, ou lorsqu'il s'endort et rêve d'une croisière à bord du sabot de la fermière qui le mène à l'océan. L'intelligence, dans ces récits animaliers, est d'avoir représenté les humains d'une manière partielle, dont on ne voit jamais la tête mais des pieds, une main, parfois un peu plus, la petite Dominique assise devient plus accessible, mais son visage n'apparaît pas. L'univers de Plouf est celui des animaux de la ferme et de ses alentours.

Le Journal de Plouf, Aline Lecomte et Pierre Jodon - Editions de l'Occident 1956

Les aventures du caneton ont été raconté dans le Journal de Plouf, le n° 1 paraît en automne 1956, une revue mensuelle des éditions de l'Occident, à Bruxelles. Aucune mention n'est faite des auteurs des 16 pages, moitié couleurs, moitié n&b, qui ne sont toujours pas crédités pour leur travail dans les rares informations données sur ce journal. Depuis la lettre écrite dans une double cocotte en papier, en passant par l'histoire complète et pour finir aux pages de jeux, tout semble avoir été réalisé par une même équipe. Heureusement, une double page était signée, les deux signatures étaient lisibles : Aline Lecomte et Pierre Jodon. Deux fils bien ténus qui ne menèrent pas leur participation à ce journal mais à son adaptation... sur vinyl chez Marconi.

Le Petit Michel - La Voix de son Maître, Marconi.

Un garçonnet, dans une série intitulée Le Petit Michel, raconte des histoires qui l'intéressent, des classiques comme les fables de La Fontaine, la poésie de Paul Fort, ou des aventures, celles de Davy Crockett, sans oublier un personnage important pour les enfants de l'époque : Saint-Nicolas. Mais c'est pourtant Plouf qui monopolise son attention. Grâce à ces transcriptions audio sous le label La Voix de son Maître, créditées à Lecomte et Jodon, le nom du scénariste est découvert : Jean Chapelle. Celui-ci n'est pas un inconnu à tout amateur de publications populaires, le « groupe Chapelle » dit-on pour nommer plus facilement toutes les éditions que cet homme dirigea directement ou par intermédiaire : Éditions du Diadème, SFPI, SEG, ERF, ABC, SEPIA, Sagédi, etc. Ajoutons donc la fonction d'auteur et co-auteur du Journal de Plouf puisqu'il ne dédaigna pas mettre la main à la pâte, avec talent et en tout cas, avec plus de subtilité que je n'aurais pu l'imaginer. Peut-être une tradition partagée avec Jean Nohain, qui fut l'invité d'un numéro spécial de la revue, ou par l'intérêt qu'il avait pour les enfants, puisqu'il fut Président du Syndicat National des Publications Destinées à la Jeunesse.

Le Journal de Mickey, 1951.

Et comme souvent lorsqu'on déroule la pelote emmêlée, les noms des illustrateurs conduisent à une toute autre publication : Le Journal de Mickey d'après-guerre. Il est difficile de connaître les numéros précis auxquels ils participèrent, leur existence étant l'effort de mémoire d'un dessinateur, Pierre Nicolas, qui travailla pour le journal dès son premier numéro, en 1951. Cependant, son souvenir permet d'établir leur travail de coloristes sur les couvertures dès cette époque. Les couleurs, le trait, certains des éléments du décor dont Pierre Nicolas affirme qu'ils furent ajoutés par Aline Lecomte, confirment un joli talent demeuré confidentiel pour ces deux illustrateurs qui firent pourtant les beaux jours de Plouf, une charmante revue pour la jeunesse des années 1950.

Le Journal de Plouf, Aline Lecomte et Pierre Jodon - Editions de l'Occident 1956

Le Journal de Plouf, Aline Lecomte et Pierre Jodon - Editions de l'Occident 1956

Comments

[Silvio]

Merci infiniment pour cette recherche, j'ai retrouvé ma collection de Plouf - puis Floup - j'ai quasiment tous les numéros,je crois qu'il m'en manque 2. Et c'est très intéressant de savoir finalement qui étaient les auteurs de ce journal, et de voir son évolution depuis le 1er numéro tout simple au dernier de plusieurs pages. Etant un amateur de BD, je voulais savoir qui avait fait ce journal, maintenant c'est fait grâce à vous ! Avez-vous une idée de ce que sont devenues ces 2 personnes ?