"Les armes secrètes existent-elles ?", article signé P. H., est paru dans La Croix du 2 février 1942.
Les armes secrètes existent-elles ?
Chars invulnérables, avions sans pilote, rayon de la mort...
Récemment, les envoyés spéciaux de la presse italienne à Berlin se sont fait l'écho des révélations qui viennent d'être faites par les autorités militaires allemandes sur les armes secrètes que les rouges ont employées sur le front oriental.
Il s'agissait, d'une part, d'un avion d'assaut appelé le « destructeur », armé de plusieurs mitrailleuses et d'un petit canon, recouvert d'un blindage très épais. Cet appareil se montrait pratiquement invulnérable, car seuls les obus des pièces antiaériennes le mettaient hors de combat. Doué d'une vitesse considérable, il pouvait être employé avec succès dans les attaques à basse altitude. Ces appareils firent leur apparition sur les champs de bataille au début de la campagne, mais en petit nombre, ce qui ne leur permit pas d'influer sensiblement sur le cours des opérations.
L'autre arme secrète utilisée par les Soviets est un char de gros tonnage appelé le « P. U. 34 » que l'on vit entrer en action au début de l'hiver. Cet engin semblait défier tout projecticle. Il avançait sous le feu des canons antichars allemands, et ce n'est qu'à l'aide de bouteilles d'essence et de grenades lancées par des soldats voués à une mort presque certaine qu'on parvint à les immobiliser. Deux d'entre eux furent capturés et expédiés en Allemagne pour qu'on pût découvrir jusqu'où allait leur invulnérabilité.
On s'aperçut ainsi que non seulement leur blindage était épais et fait d'un matériau spécial, mais que les plaques de protection avaient une inclinaison telle que les balles et les éclats d'obus glissaient sur leur surface sans parvenir à les perforer. Des études furent faites, et depuis quatre semaines, les balles allemandes triomphent des cuirasses du « P. 34 ».
Une autre information relatait que les Américains achevaient la mise au point d'un avion extraordinaire. Cet appareil serait conçu de telle façon qu'il pourrait décoller, décharger ses bombes à un point donné et revenir à son aire de départ sans pilote.
Dans ce domaine des recherches scientifiques les Britanniques, de leur côté, ne demeurent pas inactifs. Il est question outre-Manche d'une invention permettant aux bombes et aux obus de se diriger vers leur objectif de leur propre mouvement. Ces projectiles ne sont rien d'autre que de petits avions sans pilotes dotés d'un moteur à hélice avec des contrôles gyrostatiques, etc. Ces petits avions ont aussi un mécanisme qui permet aux ailes de se détacher à l'endroit voulu, permettant ainsi au projectile de tomber verticalement. Lancée par catapulte, cette fusée explosante, non seulement évite le transport de l'artillerie lourde et la réparation des canons, mais possède une portée infiniment plus grande. Une fois catapulté, le projectile vole grâce à son moteur, maintenant la hauteur et la direction grâce au pilote gyroscopique. Construits pour être utilisés en grand nombre, ces projectiles d'environ vingt kilos ne coûtent guère plus de vingt-cinq livres sterling chacun, ce qui, tenant compte du coût de transport de l'artillerie, revient moins cher qu'un obus d'artillerie. On croit que de tels projectiles d'un type plus lourd et possédant plus de puissance et de précision pourront être lancés sur des villes et des objectifs se trouvant à une distance de mille kilomètres.
Dans ses derniers discours, le chancelier Hitler a laissé entendre que, dès le prochain printemps, la Werhrmacht serait dotée d'armements « formidables » dont la puissance et la variété étonneraient le monde. S'agit-il là encore d'armes secrètes ? Cette hypothèse n'est pas à écarter, car les ingénieurs et les officiers allemands travaillent en vue d'améliorer le matériel de guerre du Reich et les méthodes de combat. Le Reich a surpris ses ennemis avec ses mines magnétiques, ses stukas piqueurs, ses puissants lance-flamme ; que dire aussi de la stupéfaction causée outre-Manche par l'apparition en Afrique du Nord des divisions de l' « Afrika Korps », entraînées pendant de longues années et transportées en grand secret et dont la foudroyante offensive, en avril 1941, reconquis en quelques semaines la Cyrénaïque tout entière.
En cette troisième année de guerre, qu'il veut décisive, le Reich utilisera-t-il d'autres armes dont l'effet lui donnera la victoire ?
En plus de ces armes secrètes, moyens modernes de destruction, le « rayon de la mort » ne cesse, depuis quelques années déjà, d'occuper les esprits. Or, si bizarre que cela puisse paraître, le « rayon de la mort » existe.
Voilà plus d'un demi-siècle, en effet, que les savants s'occupent de la production de ces ondes qui, toujours plus chargées d'énergie, devaient donner naissance au rayon de la mort. Il s'agit de radiations situées dans la région comprise entre les plus courtes des ondes radiophoniques (quelques mètres) et les plus longues des ondes calorifiques (un demi-millimètre). Henri Hertz, qui a découvert les ondes portant son nom, et qui est mort en 1894, était parvenu à produire des ondes dont la longueur ne dépassait pas soixante-six centimètres. Récemment on a réussi à abaisser la limite au-dessous d'un millimètre. Par cette méthode, il n'était pas possible de « dissiper » une quantité importante d'énergie. Dès que l'on dépassait un millier de watts l'appareil utilisé (deux pointes de métal se faisant face) s'échauffait à tel point qu'il ne tardait pas à fondre.
Des recherches ont été effectuées d'un autre côté. C'est le tube à vide émetteur d'électrons, lampe employée dans les postes de T. S. F., qui permit d'arriver à la solution. Avant la guerre de 1914-1918 on savait, grâce aux travaux du professeur d'Arsonval, que les ondes ultra-courtes provoquaient, dans les organismes soumis à leurs effets une élévation de la température du sang. Après bien des recherches, on découvrit qu'avec une onde d'une longueur de trois mètres la puissance diffusée pouvait atteindre deux mille watts. C'est alors que les expériences entrèrent dans le domaine pratique.
En 1929, à Iéna, le professeur allemand Esaü fit jaillir un rayon entre deux plaques de laiton. Le rayon de la mort était né.
Les mouches qui traversèrent le champ électrique ainsi créé furent tuées instantanément. Des souris, des rate périrent au bout de quelques secondes.
Ces expériences, qui ne furent pas tenues secrètes, furent répétées dans les laboratoires du monde entier. Les Américains soumirent aux effets du rayon de la mort un chien, un gorille et un bœuf. Le bœuf s'avéra le plus résistant : il succomba au bout de quatre-vingt douze secondes !
Les Japonais ont également expérimenté le rayon mortel. Ils ont poussé un radeau chargé de lapins dans la mer et ont dirigé du rivage le rayon meurtrier sur les bêtes. Les lapins n'ont point souffert ; des poissons morts ou étourdis sont remontés à la surface de l'eau.
L'eau salée constitue un bon conducteur d'électricité. Le bruit a même couru, à l'époque, que deux ingénieurs qui avaient participé aux expériences moururent, au bout de trois semaines, au milieu d'atroces souffrances, les gencives pourries et perdant leurs cheveux. Il s'agissait peut-être d'exagérations ?
A quelque temps de là, une autre découverte a été faite. En dissipant une quantité d'énergie plus faible, en faisant usage d'ondes de plus grande longueur, le rayon émis se propage à des distances beaucoup plus considérables. S'il n'est pas capable d'occasionner la mort d'un être humain, il provoque dans son cerveau et sur ses nerfs des troubles se traduisant par des hallucinations. Avec un émetteur de quatre cents watts et une radiation s'effectuant sur une longueur d'ondes de trois mètres, on a réussi à éveiller chez des hommes soumis à cette radiation des sentiments irraisonnés d'angoisse, de terreur et de pessimisme. La voilà bien la « guerre des nerfs » !
Cependant, rassurez-vous, de même que l'homme n'invente pas de poison dont il ne découvre également le contrepoison, de même il n'y a pas d'engin meurtrier auquel on ne puisse opposer un engin protecteur.
Il existe donc une protection contre le rayon de la mort : la cage métallique. Un réseau de fils de fer constitue un barrage aux ondes hertziennes.
Toutefois, il convient de construire la grille de sorte qu'elle absorbe les ondes et ne se borne pas à les réfléchir. Les ondes ultra-courtes ne sont pas seulement funestes aux organismes vivants ; elles parviennent à désagréger la matière inanimée. Dans un laboratoire américain où furent faites certaines expériences relatives au rayon mortel, on vit s'écrouler, soudain, sous un poids de six cents kilos, une poutrelle qui, aux essais de résistance, en avait supporté sept mille.
Jusqu'alors aucune dépêche, de quelque source qu'elle provienne, n'a mentionné l'utilisation par l'une ou l'autre partie belligérante des radiations mortelles. Puisse la Divine Providence faire en sorte que les hommes, dans leur démence destructrice, ne parviennent pas à mettre au point ni à utiliser le rayon de la mort.
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